Страница:L. N. Tolstoy. All in 90 volumes. Volume 59.pdf/287

Материал из Викитеки — свободной библиотеки
Эта страница не была вычитана

faut en entendre parler parmi les officiers et les soldats — non seulement je n’ai jamais entendu dire du mal de lui mais il est généralement adoré). Je l’ai vu au feu pour la première fois pendant cette matinée. Il faut voir cette figure un peu ridicule avec sa grande taille, ses mains derrière le dos, sa casquette en arrière, ses lunettes et sa manière de parler comme un dindon. — On voit qu’il est tellement occupé de la marche générale des affaires que les balles et les boulets n’existent pas pour lui; il s’expose au danger avec tant de simplicité qu’on dirait qu’il n’en a pas l’idée et qu’involontairement l’on a plus peur pour lui que pour soi même et puis donnant ses ordres avec tant de clarté et de précision et avec ça toujours affable avec chacun. C’est un grand homme c. à d. un homme capable et honnête comme je comprends ce mot, un homme qui a voué toute sa vie au service de sa patrie et pas par l’ambition mais par le devoir. Je vais v-s raconter un trait de lui qui se lie à l’histoire de cet assaut manqué que j’ai commencé à raconter; l’après diner du même jour on a fait sauter la mine et près de 500 pieus d’artilerie ont fait feu sur le fort qu’on voulait prendre et ont continué ce feu pendant toute la nuit, ceci était un de ces coups d’oeil et une de ces émotions qu’on n’oublie jamais. Le soir de nouveau le Prince avec tout le tremblement est allé coucher aux tranchées pour diriger soi même l’assaut qui devait commencer à 3 heures de la nuit. — Nous étions tous là et comme toujours à la veille d’une bataille nous faisions tous semblant de ne pas plus penser à la journée de demain qu’à une journée ordinaire et tous j’en suis sûr au fond du coeur ressentaient un petit serrement de coeur (et pas même un petit mais un grand) à l’idée de l’assaut. Comme tu sais Nicolas que le tems qui précède une affaire est le tems le plus désagreable, c’est le seul où on a le tems d’avoir peur et la peur est un sentiment des plus désagreables. Vers le matin plus le moment approchait plus le sentiment diminuait et vers trois heures quand nous attendions tous à voir partir le bouquet de fusées qui était le signal de l’attaque, j’étais si bien disposé que si on venait me dire que l’assaut n’aurait pas lieu cela m’aurait fait beaucoup de peine. Et voila que juste une heure avant le moment de l’assaut arrive un aide de camp du Maréchal avec l’ordre d’ôter le siège de Silistrie. Je puis dire sans craindre de me tromper que cette nouvelle a été reçu par tous — soldats officiers et généraux — comme un vrai malheur, d’autant plus qu’on savait par les espions,

271