Страница:L. N. Tolstoy. All in 90 volumes. Volume 59.pdf/329

Материал из Викитеки — свободной библиотеки
Эта страница не была вычитана

un tel point que je ne puis prendre sur moi d’écrire des lettres, ce n’est ni à cause du service ni à cause des dangers, mais au contraire parce que la vie est ici trop agréable. Cependant j’avais commencé ma lettre dans le but de vous expliquer ou plutôt de vous demander pardon de mon silence. Les lettres sont si longues à aller et venir et vous écrire pendant que le bombardement durait m’était désagréable et puis le bombardement cessait petit-à-petit; et puis j’ai reçu votre excellente lettre d’après laquelle je vois que vous avez déjà eu la nouvelle du bombardement par les gazettes.2 Tout ce que cela prouve cependant est seulement que je suis un vilain grand garçon, qui ne mérite l’amour que vous lui portez que par le sien et non par sa conduite. Je ne saurais vous dire combien m’a touché votre bonne lettre, dans laquelle vous ne voulez pas me gronder, me croyant à plaindre et tâchez de me consoler. Je n’ai plus joué et j’ai payé une partie des dettes les plus criantes avec l’argent 400 r. que j’ai reçu de Valérien; mais il m’en reste encore plus de 600 qui me tourmentent. Je crois ne pas avoir besoin de vous dire que je désire et tâche de suivre les conseils de modération et d’activité que vous me donnez; et jusqu’à présent je n’ai encore rien à me reprocher sous ce rapport qu’un peu de paresse; mais au reste j’ai une excuse qui j’espère vous paraitra assez grave: c’est le genre de vie que j’ai mené et que je mène tantôt dans une bonne société, tantôt dans une société canaille, tantôt dans les privations, tantôt dans le luxe même; il est difficile dans ces circonstances de ne jamais dévier du chemin qu’on s’est tracé. — Adieu, chère tante, j’ai voulu écrire beaucoup; mais voilà qu’on m’appelle pour diner, je ne sais si je pourrais écrire encor le soir, car je suis de service. Je tâcherai de vous écrire plus souvent mais au nom du Ciel ne vous tourmentez pas trop sur mon compte, je vous assure que les dangers que je cours ici ne sont pas trop grands, et aussi ne me désirez pas du succès dans le service, cela me fait trop de peine de ne pouvoir remplir vos voeux sous ce rapport, ne désirez po[ur] moi que la santé et le bonheur — ce sont là des biens véritables. Tandis que pour le succès, c. à d. l’avancement, les honneurs — je ne suis pas fait pour l’avoir. Figurez vous que je n’ai pas pu prendre sur moi de porter la lettre de tante Pauline 8 au Prince, 4 j’en ai chargé un de mes amis, lequel m’a dit 2 jours après que le Prince m’avait fait dire [de] venir dîner le même jour, je

313