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qu’on ne le pense. On peut contester la proximité de ce changement, même sa possibilité, mais il est évident que s’il se produisait, il résoudrait toutes les contradictions, toutes les difficultés et détournerait tous les malheurs dont nous menace la fin de notre siècle.

La seule objection ou plutôt la seule question que l’on puisse faire à M. Dumas, c’est de lui demander pourquoi, si l’amour du prochain est possible, inhérent à la nature humaine, pourquoi il s'est passé tant de milliers d’années (car le commandement d’aimer Dieu et son prochain n’est pas un commandement du Christ mais encore de Moïse) sans que les hommes qui connaissaient ce moyen de se rendre heureux, ne l’aient pratiqué.

Quelle est la cause qui empêche la manifestation dé ce sentiment si naturel et si bienfaisant pour l’humanité?

Il est évident que ce n’est pas assez de dire: aimez vous les uns les autres. Cela se dit depuis 3000 ans, on ne cesse de le répéter sur tous les tons du haut de toutes les chaires religieuses et même laïques; mais les hommes continuent à s’exterminer au lieu de s’aimer comme on le leur prêche depuis tant de siècles. Personne de nos jours ne doute que si les hommes, au lieu de s’entre-déchirer en recherchant chacun leur propre bonheur celui de leur famille ou de leur patrie, s’aidaient les uns les autres, s’ils remplaçaient l’égoïsme par l’amour, s’ils organisaient leur vie sur le principe collectiviste au lieu du principe individualisme, comme le disent dans leur mauvais jargon les sociologues, s’ils s’aimaient entre eux comme ils s’aiment eux mêmes, si au moins ils ne faisaient pas aux autres ce qu’ils ne voudraient pas qu’il leur fût fait, comme cela a été bien dit depuis 2000 ans, la dose de bonheur personnel que recherche chaque homme serait plus grande et la vie humaine en général serait raisonnable et heureuse au lieu d’être ce qu’elle est, une suite de contradiction et de souffrances.

Personne ne doute de ce que si les hommes continuent à s’arracher les uns aux autres la propriété du sol et les produits de leur travail la revanche de ceux qui étaient privés du droit de travailler à la terre et des produits de leur travail ne se fera pas attendre et que tous ceux qui ont été privés de leur droits reprendront avec violence et vengeance tout ce qui leur a été enlevé. Pessonne ne doute non plus de ce que les armements réciproques des nations n'aboutissent à de terribles massacres et à la ruine et

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