Dictionnaire des proverbes (Quitard)/mieux

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mieux. — Le mieux est l’ennemi du bien.

« L’homme s’ennuie du bien, cherche le mieux, trouve le mal, et s’y soumet crainte de pire. » (M. le duc de Levis.)

Ce proverbe, emprunté de l’italien Il meglio e l’inimico del bene, fait allusion au mieux futur contingent, c’est-à-dire au mieux qu’on cherche et non pas à celui qu’on a trouvé, pour signaler ce faux système de perfectibilité qui, égarant l’esprit humain loin des routes de l’expérience, le conduit trop souvent à des innovations funestes, et pour enseigner à respecter les choses établies lorsqu’elles sont bonnes, au lieu de les détruire sous prétexte de les améliorer. Il exprime une vérité du premier ordre qui n’a jamais été méconnue impunément. C’est de l’oubli de cette vérité que sont nées, dans tous les temps, les révolutions qui ont couvert l’Europe de mille plaies. Puisse la génération actuelle, éclairée par tant de malheurs, l’ériger en loi conservatrice des avantages dont elle jouit, et se conformer à cette heureuse circonspection sans laquelle il n’y a plus de sécurité pour le présent ni de garantie pour l’avenir ! Courir après le mieux, c’est imiter la folie des premiers habitants de l’Arcadie qui couraient après le soleil, et qui, s’imaginant qu’ils l’atteindraient sur une montagne où ils le croyaient arrêté, trouvaient, en arrivant au sommet, que cet astre était aussi loin d’eux qu’auparavant. Le mieux n’est qu’un fantôme trompeur toujours prompt à s’évanouir dans le tourbillon des fausses espérances où l’on prétend le fixer, et la raison consiste à regarder le bien comme le plus beau partage de la condition humaine :

Non qu’on ne puisse augmenter en prudence,
En bonté d’ame, en talents, en science :
Cherchons le mieux sur ces chapitres-là ;
Partout ailleurs évitons la chimère.
Dans son état heureux qui peut se plaire,
Vivre à sa place et garder ce qu’il a.

(Voltaire.)