Les Caractères/Édition Flammarion 1880/Notice

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Flammarion (p. 1-2).

NOTICE SUR LA BRUYÈRE


La Bruyère naquit à Paris, au mois d’août 1645. Son père remplissait l’emploi de contrôleur des rentes à l’Hôtel de ville. On ignore où se passa son enfance et comment il fut élevé. À l’âge de dix-neuf ans (juin 1664) il prit son « degré de licencié » en droit à Orléans, et jusqu’en 1673 resta attaché comme avocat au barreau de Paris. Vers la fin de cette dernière année, il acheta une charge de « conseiller du roi, trésorier de France et général de ses finances en la généralité de Caen ». Non astreint à résidence, il ne s’éloigna pas de la capitale. On sait très peu de chose de la façon dont il employa les loisirs de son absentéisme pendant les onze années qui suivirent.

En 1684 il accepta la mission d’enseigner l’histoire au petit-fils du grand Condé, Louis de Bourbon-Condé, qui venait de quitter le collège de Clermont. Cette éducation terminée (1685), La Bruyère devint l’un des gentilhommes de M. le Prince, père de son élève ; et, s’étant démis de son office de trésorier (11 juin 1687), il partagea désormais son temps entre Paris, Versailles et Chantilly. Confiant dans l’avenir et assuré de son indépendance, il fit paraître, dès 1688, la première édition des Caractères. Le succès fut immédiat et retentissant ; sa réception à l’Académie française en 1693 (15 juin) en est une preuve, comme peut-être aussi sa mort, arrivée à Versailles le 10 mai 1696. — Ces dates, les seules connues de la vie de La Bruyère, aident puissamment à le retrouver dans son œuvre.


Le texte que nous avons adopté est celui de la neuvième édition (1696), qui est regardée comme l’édition authentique, La Bruyère étant mort pendant qu’il en corrigeait les épreuves. Elle est presque la reproduction de la huitième (1694), mais elle présente avec elle quelques différences voulues par l’auteur, et qui sont une raison suffisante pour la faire adopter.

Nous avons suivi rigoureusement les indications typographiques de cette édition relativement aux noms propres. On verra, en effet, que La Bruyère imprime en lettres capitales les noms propres sur lesquels il veut attirer l’attention. Il emploie l’italique pour les noms supposés, et, dans les dernières éditions, si le même nom est répété plusieurs fois, c’est seulement à la première fois qu’il le souligne. La Bruyère met également en italiques les néologismes, et en général les expressions qu’il veut faire remarquer. Certains mots, mis en italiques dans les premières éditions, ne le sont plus dans la neuvième, sans qu’on puisse toujours voir bien clairement la raison du changement.

Nous avons conservé également les pattes de mouches placées en tête d’un grand nombre d’alinéas, et qui indiquent le passage d’un ordre d’idées à un autre.

Voici, d’ailleurs, avant de passer à l’examen du texte, la liste des éditions des Caractères qui ont paru au xviie siècle :


Première édition. Les Caractères de Théophraste, traduits du grec, avec les caractères ou les mœurs de ce siècle. Paris, Estienne Michallet, 1688, in-12 de 360 pages. Cette édition contient seulement 418 remarques.

Deuxième édition, conforme à la première. Paris, Michallet, 1688, in-12.

Troisième édition, conforme aux deux précédentes, sauf quelques suppressions. Paris, Michallet, 1688, in-12.

Quatrième édition, corrigée et augmentée, contenant 762 remarques. Lyon, Amaulry, 1689, in-12.

Cinquième édition, augmentée, contenant 925 remarques. Paris, Michallet. 1690, in-12.

Sixième édition, augmentée, contenant 997 remarques. Paris, Michallet, 1691. in-12.

Septième édition, corrigée et augmentée, contenant 1073 remarques. Paris, Michallet, 1692, in-12.

Huitième édition, corrigée et augmentée, contenant 1119 remarques. Paris, Michallet, 1694, in-12.

Neuvième édition, reproduisant la précédente, avec quelques corrections et variantes. Paris, Michallet, 1696, in-12. Elle a été commencée du vivant de La Bruyère.

Dixième édition, première édition posthume, reproduisant exactement la précédente. Paris, Michallet, 1699, in-12.