Traité des Pyrénées

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Traité des Pyrénées fixant la frontière franco-espagnole signé le 7 novembre 1659 sur l’Île des Faisans
Imprimerie royale (2p. 15-103).

Traité de paix dit des Pyrennées entre le Roi de France, et le Roi d’Espagne.

Au nom de Dieu le Créateur. A tous présens et à venir, soit notoire, que comme une longue et sanglante guerre auroit depuis plusieurs années, fait souffrir de grands travaux et oppressions aux peuples, Royaumes, Pays et Estats qui sont soubmis à l'obéissance de Tres-hauts, Tres-excellens et Tres-puissans Princes, Louis 14e par la grace de Dieu Roy TresChrestien, de France et de Navarre ; et Philippe 4e par la même grace de Dieu Roy Catholique des Espagnes : En laquelle guerre s'étant aussy mesléz d'autres Princes et Republiques, leurs Voisins et Alliez ; beaucoup de Villes, places et pays de chacun des deux partis auroient esté exposez à de grands maux, miseres, ruines et desolations. Et bien qu'en d'autres temps, et par diverses voyes, auroient esté introduites des ouvertures et negociations, d'accomodement aucune neantmoins, pour les misterieux secrets de la divine Providence, n'auroit pu produire l'effet que leurs Majestez desiroient tres-ardemment : Jusqu'à ce qu'enfin ce Dieu supresme, qui tient en sa main les cœurs des Roys, et qui s'est particulierement reservé à Luy seul le precieux don de la Paix, a eu la bonté, par sa misericorde infinie, d'inspirer dans un même temps les deux Roys, et les guider et conduire de telle maniere, que sans aucune autre intervention, ny motif, que les seuls sentimens de compassion qu'ils ont eu des souffrances de leurs bons Sujets, et d'un desir paternel de leur bien et soulagement, et du repos de toute la Chrétienté, ils ont trouvé le moyen de mettre fin à de si grandes et longues calamitez, d'oublier et d'esteindre les causes et les semences de leurs divisions, et d'établir à la gloire de Dieu, et à l'exaltation de nostre Sainte Foy Catholique, une bonne, sincere, entiere et durable paix et fraternité entre eux, et leurs successeurs, Alliez et dépendants, par le moyen de laquelle se puissent bien-tost reparer en toutes parts, les dommages et miseres souffertes. Pour à quoy parvenir, lesdits deux Seigneurs Roys ayans ordonné à Tres-Eminent Seigneur, Messire Jules Mazarini, Cardinal de la Sainte Eglise Romaine, Duc de Mayenne, Chef des Conseils du Roy Tres-Chrestien, etc. Et à Tres-Excellent Seigneur, le Seigneur Don Luys Mendez de Haro et Gusman, Marquis de Carpio, Conte Duc d'Olivarès, Gouverneur perpetuel des Palais Royaux, et Arsenal de la Cité de Seville, Grand Chancellier perpetuel des Indes, du Conseil d'Estat de Sa Majesté Catholique, Grand Commandeur de l'Ordre d'Alcantara, Gentilhomme de la Chambre de Saditte Majesté, et son grand Ecuyer, leurs deux premiers et principaux Ministres, de s'assembler aux confins des deux Royaumes, du costé des Monts Pirenées, comme estans les deux personnes les mieux informées de leurs saintes intentions, de leurs interests, et des plus intimes secrets de leurs cœurs, et par consequent les plus capables de trouver les expediens necessaires pour terminer leurs differens ; et leur ayans à cet effet donné de tres-amples Pouvoirs, dont les Copies seont inserées à la fin des presentes : Les deux principaux Ministres, en vertu de leurs pouvoirs, recognus de part et d'autre pour suffisans, ont accordé, estably et arresté les Articles qui ensuivent.

ARTICLE 1[modifier]

Premièrement, il est convenu et accordé, qu’à l’advenir, il y aura bonne, ferme et durable paix, confederation et perpetuelle Alliance et Amitié entre les Roys Tres-Chrestien et Catholique, leurs enfans naiz et à naistre, leurs Hoirs, Successeurs et Heritiers, leurs Royaumes, Estats, pays et sujets, qu’ils s’entr’aymeront comme bons Freres, procurans de tout leur pouvoir le bien, l’honneur et reputation l’un de l’autre, et éviteront de bonne foy, tant qu’il leur sera possible, le dommage l’un de l’autre.

ARTICLE 2[modifier]

Ensuite de cette bonne reunion, la cessation de toutes sortes d’hostilitez, arrestée et signée, le 8e jour de May de la presente année, continuera selon sa teneur, entre lesdits Seigneurs Roys, leurs Sujets, vassaux et Adherens, tant par mer et autres Eaux, que par Terre, et generalement en tous Lieux où la guerre a esté jusques à present, entre leurs Majestez : et si quelque nouveauté ou voye de fait estoit cy-apres entreprise par les armes, ou en quelque façon que ce soit, sous le nom et authorité de l’un desdits Seigneurs Roys, au préjudice de l’autre ; le dommage sera reparé sans delay, et les choses remises au même estat où elles estoient au 8e jour de May, que ladite suspension d’armes fut arrêtée et signée : la teneur de laquelle se devra observer jusques à la publication de la paix.

ARTICLE 3[modifier]

Et pour éviter que les differens qui pourroient naistre à l’advenir, entre aucuns Princes ou Potentats Alliez desdits Seigneurs Roys, ne puissent alterer la bonne intelligence et amitié de leurs Majestez, que chacun d’Eux desire rendre tellement seure et durable, qu’aucun accident ne la puisse troubler. Il a esté convenu et accordé, qu’arrivant cy-aprés quelque differend entre leurs Alliez, qui pust les porter à une rupture ouverte entre eux, aucun desdits Seigneurs Roys, n’attaquera ou n’inquietera avec ses armes, l’Allié de l’autre, et ne donnera aucune assistance publique ni secrete contre ledit Allié ; sans que premierement et avant toutes choses, ledit Seigneurs Roy n’ayt traité en la Cour de l’autre, par l’entremise de son Ambassadeur, ou de quelqu’autre personne particuliere, sur le sujet dudit differend : empêchant autant qu’il sera en leur pouvoir, et par leur authorité, la prise des Armes entre leursdits Alliez, jusqu’à ce que, ou par le Jugement des deux Roys, si leurs Alliez s’en veulent remettre à leur decision, ou par leur entremise et authorité, ils ayent pû accommoder ledit differend à l’amiable, en sorte que chacun de leurs Alliez en soit satisfait, évitant de part et d’autre la prise des armes auxiliaires : Aprés quoy, si l’authorité des deux Roys ou leurs offices et leur entremise n’ont pû produire l’accommodement, et que les Alliez prennent enfin la voye des armes, chacun desdits Seigneurs Roys pourra assister son Allié de ses forces ; sans que pour raison de ce, l’on vienne à aucune rupture entre leurs Majestez, ny que leur amitié en soit alterée : promettant mesme en ce cas, chacun des deux Roys, qu’il ne permettra pas que ses Armes ny celles de son Allié entrent dans aucun des Estats de l’autre Roy, pour y commettre des hostilitez ; mais que la querelle se vuidera dans les Limites de l’Estat, ou des Estats des Alliez qui combattront entre eux, sans que aucune action de Guerre ou autre qui se fasse en cette conformité, soit tenue pour une contravention au present Traité de paix. Comme pareillement, toutes fois et quantes que quelque Prince ou Estat Allié de l’un desdits Seigneurs Roys, se trouvera directement ou indirectement attaqué par les forces de l’autre Roy, en ce qu’il possedera ou tiendra lors de la signature du present Traité, ou en ce qu’Il devra posséder en execution d’Iceluy. Il sera loisible à l’autre Roy, d’assister ou secourir le Prince ou Estat attaqué, sans que tout ce qui sera fait en conformité du present Article, par les Troupes auxiliaires, tandis qu’elles seront au service du Prince ou Estat attaqué, puisse estre pris pour une contravention au present Traitté. Et en cas qu’il arrivast que l’un des deux Seigneurs Roys fust le premier attaqué, en ce qu’il possede presentement, ou doit posseder en vertu du present Traité, par quelque autre Prince ou Estat que ce soit, ou par plusieurs Princes et Esats liguez ensemble ; l’autre Roy ne pourra joindre ses forces audit prince ou Estat agresseur, quoy que d’ailleurs il fust son Allié, non plus qu’à ladite Ligue des Princes et Estats aussy agresseurs, comme il a esté dit, ny donner audit Prince ou Estat, ou à ladite Ligue, aucune assistance d’hommes, d’argent, ny de vivres, ny passage ou retraite dans ses Estats à leurs Personnes, ny à leurs Troupes. Quant aux Royaumes, Princes et Estats qui sont presentement en guerre avec l’un desdits Seigneurs Roys, qui n’auront pû estre compris au present Traité de paix, ou qui y ayant esté compris, ne l’auront pas accepté ; il a esté convenu et accordé, que l’autre Roy ne pourra aprés la publication dudit Traité, leur donner directement ny indirectement aucune sorte d’assistance d’hommes, de vivres, ny d’argent : et encore moins aux Sujets qui pourroient cy-aprés se soûlever ou revolter contre l’un desdits Seigneurs Roys.

ARTICLE 4[modifier]

Tous sujets d’inimitié ou mes-intelligence demeureront esteins et abolis pour jamais ; et tout ce qui s’est fait et passé à l’occasion de la presente guerre, ou pendant Icelle, sera mis en perpetuel oubly, sans que l’on puisse à l’advenir de part ny d’autre, directement ny indirectement, en faire recherche par Justice ou autrement, soubz quelque pretexte que ce soit, ny que leurs Majestez ou leurs Sujetz, serviteurs et adherans d’un costé et d’autre, puissent tesmoigner aucune sorte de ressentiment de toutes les offences et dommages qu’ilz pourroient avoir reçus pendant la Guerre.

ARTICLE 5[modifier]

Par le moyen de cette paix et estroite amitié, les Sujetz des deux costez, quels qu’ilz soient, pourront, en gardant les Loix et Coûtumes du pays, aller, venir, demeurer, trafiquer, et retourner au pays l’un de l’autre, marchandement et comme bon leur semblera, tant par Terre que par Mer, et autres Eaux douces, traiter et negotier ensemble : et seront soustenus et defendus les Sujetz de l’un au pays de l’autre, comme propres Sujetz, en payant raisonnablement les droits en tous lieux accoûtumez, et autres, qui par leurs Majestez et les successeurs d’icelles, seront imposez.

ARTICLE 6[modifier]

Les Villes, sujets, marchands, manans et habitans des Royaumes, Estats, provinces, et pays appartenans au Roy Tres-Chrestien, jouiront des mesmes privileges, franchises, libertez et seuretez dans le Royaume d’Espagne, et autres Royaumes et Estats appartenans au Roy Catholique, dont les Anglois ont eu droit de jouir, par les derniers Traitez faitz entre les deux Couronnes d’Espagne et d’Angleterre, sans qu’on puisse en Espagne ny ailleurs dans les Terres ou autres lieux de l’obéissance du Roy Catholique, exiger des François, et autres sujets du Roy Tres-Chrestien, de plus grands Droitz et Impositions que ceux qui ont esté payez par les Anglois avant la rupture, ou qui sont payez presentement par les habitans des Provinces-Unies du Pays-bas, ou autres Estrangers, qui y seront traittés le plus favorablement. Le mesme traittement sera fait dans toute l’estendue de l’obeissance dudit Seigneur Roy Catholique, de quelque pays ou nation qu’ils soient.

ARTICLE 7[modifier]

En suite de ce, si les François, ou autres sujets de Sa Majesté Tres-Chrestienne, sont trouvez dans lesdits Royaumes d’Espagne, ou aux costes d’iceux, avoir embarqué ou fait embarquer dans leurs Vaisseaux, en quelque sorte que ce puisse estre, des choses prohibées, pour les transporter hors desdits Royaumes ; la peine ne pourra s’estendre au delà de ce qui a esté pratiqué cy-devant en tel cas envers les Anglois, ou qui est presentement pratiqué envers les Holandois, en suite des Traitez faits avec l’Angleterre ou les provinces-Unies : et toutes les recherches et Procez intentez cy-devant pour ce regard, demeureront annullez et esteints. Le mesme sera observé à l’endroit des Villes, sujets, manans et habitans des Royaumes et pays appartenans audit Seigneur Roy Catholique, qui jouiront des mesmes Privileges, franchises et Libertez dans tous les Estats dudit Seigneurs Roy Tres-Chrestien.

ARTICLE 8[modifier]

Tous françois et autres sujets dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, pourront librement, et sans qu’il leur puisse estre donné aucun empeschement, transporter hors lesdits Royaumes et pays dudit Seigneur Roy Catholique, ce qu’ilz auront eu de la vente des bledz qu’ils auront faite dans lesdits Royaumes et pays, ainsi et en la forme qu’il en a esté usé avant la Guerre : Et le même sera observé en France, à l’endroit de ceux dudit Seigneur Roy Catholique.

ARTICLE 9[modifier]

Ne pourront d’un costé ny d’autre, les marchands, maistres de navires, pilotes, matelots, leurs vaisseaux, marchandises, denrées et autres biens à eux appartenans, estre arrestez et saisis, soit en vertu de quelque mandement general ou particulier, ou pour quelque cause que ce soit, de Guerre ou autrement, ny mesme soubz pretexte de s’en vouloir servir pour la conservation et deffence du pays : et generalement rien ne pourra estre pris aux subjetz de l’un desdits Seigneurs Roys, dans les Terres de l’obéissance de l’autre, que du consentement de ceux à qui il appartiendra, et en payant comptant ce qu’on desirera avoir d’eux. On n’entend pas toutefois en ce comprendre les saisies et arrests de Justice, par les voyes ordinaires, à cause des debtes, obligations et contrats valables de ceux sur lesquels lesdites saisies auront été faites : à quoi il sera procédé selon qu’il est accoustumé par droit et raison, comme il s’observoit avant cette derniere guerre.

ARTICLE 10[modifier]

Tous les sujets du Roy Tres-Chrestien pourront en toute seureté et liberté, naviger et trafiquer dans tous les Royaumes, Pays et Estats qui sont ou seront en paix, amitié, ou neutralité avec la France (à la reserve du Portugal seul et ses conquestes, et païs adjacens, surquoy lesdits Seigneurs Roys ont convenu ensemble d’une autre maniere) sans qu’ilz puissent estre troublez ou inquietez dans cette liberté par les navires, galeres, fregates, barques, ou autres bastimens de mer, appartenans au Roy Catholique, ou à aucuns de ses sujetz, à l’occasion des hostilitez qui se rencontrent ou pourroient se rencontrer cy-apres entre le susdit Roy Catholique et les susditz Royaumes, païs et estats ou aucun d’Iceux qui sont ou seront en paix, amitié, ou neutralité avec la France : bien entendu, que l’exception faite du Portugal en cet article et aux suivans, qui regarde le commerce, n’aura lieu qu’autant de temps que ledit Portugal demeurera en l’estat qu’il est à present : et que s’il arrivoit que ledit Portugal fût remis en l’obeïssance de Sa Majesté Catholique, il en seroit alors usé, pour ce qui regarde le Commerce audit Royaume de Portugal, à l’esgard de la France, en la mesme maniere que dans les autres Estatz que possede aujourd’huy Sadite Majesté Catholique, suivant le contenu au present article, et aux suivans.

ARTICLE 11[modifier]

Ce transport et ce trafic s’estendra à toutes sortes de marchandises et denrées qui se transportoient librement et seurement ausdits Royaumes, païs et Esats, avant qu’ilz fussent en guerre avec l’Espagne. Bien entendu toutesfois, que pendant la durée de ladite guerre les Sujets du Roy Tres-Chrestien s’abstiendront d’y porter marchandises provenant des Estats du Roy Catholique, telles qu’elles puissent servir contre luy et ses Estats ; et bien moins Marchandises de Contrebande.

ARTICLE 12[modifier]

En ce genre de marchandises de contre-bande, s’entendent seulement estre comprises toutes sortes d’armes à feu, et autres assortiments d’Icelles : comme canons, mousquetz, mortiers, petards, bombes, grenades, saucisses, cercles poissez, afusts, fourchettes, bandoleres, poudres, corde, salpestre, balles, piques, espées, morions, casques, cuirasses, halebardes, javelines, chevaux, selles de cheval, fourreaux de pistoletz, baudriers, et autres assortiments servans à l’usage de la Guerre.

ARTICLE 13[modifier]

Ne seront compris en ce genre de marchandises de contrebande, les fromens, bleds, et autres grains, legumes, huiles, vin, sel ny generalement tout ce qui appartient à la nourriture et sustentation de la vie : mais demeureront libres, comme toutes autres marchandises et denrées non comprises en l’article precedent ; et en sera le transport permis, mesme aux lieux ennemis de la Couronne d’Espagne, sauf en Portugal, comme il a esté dit, et aux Villes et places assiégées, bloquées ou investies.

ARTICLE 14[modifier]

Pour l’execution de ce que dessus, il a esté accordé, qu’elle se fera en la maniere suivante : Que les navires et barques avec les marchandises des sujets du Seigneur Roy Tres-Chrestien, estans entréz en quelque Havre dudit Seigneur Roy Catholique, où ils avoient accoustumés d’entrer et de trafiquer avant la presente guerre, et voulans de là passer à ceux desdits Ennemis, seront obligez seulement de monstrer aux Officiers du Havre d’Espagne, ou autres Estatz dudit Seigneur Roy d’où ils partiront, leurs passeports contenans la specification de la charge de leur navire, attestée et marquée du Seel et seing ordinaire, et recognu des Officiers de l’Admirauté des lieux d’où Ilz seront premierement partis, avec la declaration du lieu où Ils seront premierement partis, avec la declaration du lieu où Ils seront destinez, le Tout en la force ordinaire et accoustumée. Après laquelle exhibition de leurs passeports, en la forme susdite, ils ne pourront estre inquietez ny recherchez, detenus ny retardez en leurs voyages, sous quelque pretexte que ce soit.

ARTICLE 15[modifier]

Il en sera usé de mesme à l’égard des navires et barques françoises, qui iroient dans quelques rades des Estatz du Roy Catholique, où ils avoient accoustumé de trafiquer avant la presente guerre, sans vouloir entrer dans les Havres ; ou y entrans, sans toutefois vouloir debarquer et rompre leurs charges : lesquels ne pourront estre obligez de rendre compte de leur cargaison, que dans le cas qu’il y eust soupçon qu’ilz portassent aux Ennemis dudit Seigneur Roy Catholique, des marchandises de contrebande, comme il a esté dit cy-devant.

ARTICLE 16[modifier]

Et audit cas de soupçon apparent, lesdits sujetz du Roy Tres-Chrestien seront obligez à monstrer dans les ports leurs Passeportz, en la forme cy-dessus specifiée.

ARTICLE 17[modifier]

Que s’ilz estoient entrez dans les rades, ou estoient rencontrez en peine mer, par quelques navires dudit Seigneur Roi Catholique, ou d’Armateurs particuliers ses sujets, lesdits navires d’Espagne, pour éviter tout desordre, n’approcheront pas de plus prés les François, que de la portée du canon, et pourront envoyer leur petite barque ou chaloupe au bord des navires ou barques Françoises, et faire entrer dedans deux ou trois hommes seulement à qui seront montrez les passeports, par le maistre ou patron du navire François, en la maniere cy-dessus spécifiée, selon le Formulaire qui sera inséré à la fin de ce Traité[1], par lequel il puisse apparoistre non seulement de sa charge, mais aussi du lieu de sa demeure et residence, et du nom tant du maistre et patron, que du navire mesme ; afin que par ces deux moyens on puisse cognoistre s’ils portent des marchandises de contrebande, et qu’il apparoisse suffisamment, tant de la qualité dudit navire, que de son maistre et patron : ausquels passeports et lettres de mer, se devra donner entiere foy et creance. Et afin que l’on cognoisse mieux leur validité, et qu’elles ne puissent en aucune maniere estre falsifiées et contrefaites, seront données certaines marques et contreseings de chaque côté des deux Seigneurs Roys.

  1. Voir le formulaire à la page Traité des Pyrénées - Formulaire et Signatures

ARTICLE 18[modifier]

Et au cas que dans lesdits vaisseaux et barques Françoises se trouvent par les moyens susdits quelques marchandises et denrées de celles qui sont cy-dessus déclarées, dénoncées et confisquées pardevant les Juges de l’Admirauté d’Espagne, ou autres competans ; sans que pour cela le navire et barque, ou autres biens, marchandises et denrées libres et permises, retrouvées au mesme navire, puissent estre en aucune façon saisies ny confisquées.

ARTICLE 19[modifier]

Il a esté en outre accordé et convenu, que tout ce qui se trouvera chargé par les sujets de sa Majesté Tres-Chrestienne, en un navire des Ennemis dudit Seigneur Roy Catholique, bien que ce ne fust marchandise de contre-bande, sera confisqué, avec tout ce qui se trouvera audit navire, sans exception ny reserve : Mais d’ailleurs aussy sera libre et affranchy tout ce qui sera et se trouvera dans les navires appartenans aux sujets du Roy Tres-Chrestien, encore que la charge ou partie d’Icelle fust aux Ennemis dudit Seigneur Roy, sauf les marchandises de contrebande, au regard desquelles on se reglera, selon ce qui a esté disposé aux articles precedens.

ARTICLE 20[modifier]

Tous les sujets dudit Seigneur Roy Catholique, jouiront reciproquement des mêmes droits, libertez et exemptions en leurs Trafics et Commerces dans les ports, rades, mers, et Estats de Sa Majesté Tres-Chrestienne, qu’il vient d’estre dit que les sujets dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien jouiront en ceux de Sa Majesté Catholique, et en haute mer, se devant entendre que l’esgalité sera reciproque en toutes manieres, de part et d’autre ; et même en cas que cy-après ledit Seigneur Roy Catholique fut en paix, amitié et neutralité avec aucuns Roys, Princes, et Estats qui devinssent ennemis dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, chacun des deux partis devant user reciproquement des mesmes conditions et restrictions exprimées aux Articles du present Traité, qui regardent le commerce.

ARTICLE 21[modifier]

En cas que de part ou d’autre, il y ait quelque contravention ausdits articles concernans le commerce par les Officiers de l’Admirauté de l’un desdits Seigneurs Roys, ou autres personnes quelconques, la plainte en estant portée par les parties intéressées à Leurs Majestez mesmes, ou à leurs Conseils de marine ; Leursdites Majestez en feront aussy tost reparer le dommage, et executer toutes choses en la maniere qu’il est ci-dessus arresté. Et en cas que dans la suite du temps on découvrit quelques fraudes ou inconveniens touchant ledit commerce et navigation, auxquels on n’eust pas suffisamment pourveu par les articles cy dessus, on pourra y adjouster de nouveau les autres precautions qui seront de part et d’autre jugées convenables ; demeurant cependant le present Traité en sa force et vigueur.

ARTICLE 22[modifier]

Toutes les marchandises et effets arrestez en l’un, ou l’autre Royaume, sur les sujets desdits Seigneurs Roys, lors de la declaration de la guerre, seront rendus et restituez de bonne foy aux propriétaires, en cas qu’ils se trouvent en nature, au jour de la publication du present Traité : et toutes les debtes contractées avant la guerre, qui se trouvent au jour de la publication du present Traité, n’avoir point esté actuellement payées à d’autres, en vertu des jugemens donnez sur des Lettres de confiscations ou represailles, seront acquittées et payées de bonne foy : et sur les demandes et poursuites qui en seront faites, lesdits Seigneurs Roys ordonneront à leurs Officiers, de faire aussy bonne et briéve Justice aux Estrangers, qu’à leurs propres sujets, sans aucune distinction de personnes.

ARTICLE 23[modifier]

Les actions qui ont cy-devant esté, ou seront cy-aprés intentées, pardevant les Officiers desdits Roys, pour prises, dépouilles, et represailles contre ceux qui ne seront point sujets du Prince, en la jurisdiction duquel lesdites actions auront esté intentées, seront renvoyées sans difficulté pardevant les Officiers du Prince, duquel les Deffendeurs se trouveront sujets.

ARTICLE 24[modifier]

Et pour mieux asseurer à l’advenir le Commerce et Amitié entre les sujets desdits Seigneurs Roys, pour plus grand advantage et commodité de leurs Royaumes, il a esté convenu et accordé, qu’arrivant cy-aprés quelque rupture entre les deux Couronnes (ce qu’à Dieu ne plaise) il sera tousjours donné six mois de temps aux sujets de part et d’autre, pour retirer et transporter leurs effets et personnes où bon leur semblera : ce qui leur sera permis de faire en toute liberté, sans qu’on puisse leur donner aucun empeschement, ny proceder pendant ledit temps, à aucune saisie desdits effets, moins encore à l’arrest de leurs personnes.

ARTICLE 25[modifier]

Les habitans et sujets d’un costé et d’autre, pourront par tout dans les Terres de l’obeissance desdits Seigneurs Roys, se faire servir de tels advocats, procureurs, nottaires, solliciteurs que bon leur semblera : à quoy aussi ils seront commis par les Juges ordinaires, quand il sera besoin, et que lesdits Juges en seront requis : Et sera permis ausdits sujets et habitans de part et d’autre, de tenir dans les lieux où ils feront leur demeure, les livres de leur trafic et correspondance, en la Langue que bon leur semblera, soit Françoise, Espagnolle, Flamande, ou autres, sans que pour ce sujet ilz puissent estre inquietez ny recherchez.

ARTICLE 26[modifier]

Lesdits seigneurs Roys pourront establir, pour la commodité de leurs sujets trafiqans dans les Royaumes et Estats l’un de l’autre, des Consuls de la nation de leursdits sujets ; lesquel jouiront des droits, libertez et franchises qui leur appartiennent par leur exercice et employ : et cet establissement sera fait aux lieux et endroits où de commun contentement il sera jugé necessaire.

ARTICLE 27[modifier]

Toutes Lettres de marque et de represailles, qui pourroient avoir esté cy-devant accordees, pour quelque cause que ce soit, sont suspendues, et n’en pourra estre cy-aprés donné par l’un desdits Roys, au préjudice des sujets de l’autre, si ce n’est seulement en cas de manifeste dény de Justice : duquel, et des sommations qui en auront esté faites, ceux qui poursuivront lesdites Lettres, seront obligez de faire apparoir, en la forme et maniere requise par le droit.

ARTICLE 28[modifier]

Tous les sujets d’un costé et d’autre, tant Ecclesiastiques, que Seculiers, seront restablis en leurs biens, honneurs et dignitez, et la jouissance des benefices dont ils estoient pourvus avant la guerre, soit par mort ou resignation, soit par forme de Coadjutorerie, ou autrement : Auquel restablissement dans les biens, honneurs, et dignitez s’entendent nommément compris tous les sujets Napolitains du Seigneur Roy Catholique (à l’exception des charges, offices et gouvernemens qu’ilz possedoient) sans qu’on puisse de part ny d’autre refuser le placet, ny empescher la prise de possession à ceux qui auront esté pourvus de prebendes, benefices, ou dignitez Ecclesiastiques, avant ledit temps, ny maintenir ceux qui en auront obtenu d’autres provisions pendant la guerre ; si ce n’est pour les curez qui sont canoniquement pourvus, lesquels demeureront en la jouissance de leurs Cures. Les uns et les autres seront pareillement restablis en la jouissance de tous et chacuns de leurs biens, immeubles, rentes perpetuelles, viageres et à rachapt, saisies et occupées depuis ledit temps, tant à l’occasion de la guerre, que pour avoir suivy le party contraire : ensemble de leurs droits, actions, et successions à eux survenues, mesme depuis la guerre commencée : sans toutefois pouvoir rien demander ny pretendre des fruits et revenus perceus et escheus dès le saisissement desdits biens, immeubles, rentes et benefices, jusques au jour de la publication du present Traité.

ARTICLE 29[modifier]

Ny semblablement des debtes, effets et meubles qui auront esté confisquez avant ledit jour : sans que jamais les Creanciers de telles debtes, et leurs héritiers, ou ayans cause, en puissent faire poursuite, ny en pretendre le recouvrement, lesquels restablissements, en la forme avant dite, s’estendront en faveur de ceux qui auront suivy le party contraire : en sorte qu’ils rentreront par le moyen du present Traité, en la grace de leurs Roys et Princes Souverains, comme aussy en leurs biens, tels qu’ils se trouveront existans à la conclusion et signature du present Traité.

ARTICLE 30[modifier]

Et se fera ledit rétablissement desdits sujets de part et d’autres, seront le contenu en l’Article 28e precedent : nonobstant toutes donations, concessions, declarations, confiscations, commises, sentences preparatoires, ou definitives, données par contumace en l’absence des parties, et Icelles non oûies : Lesquelles sentences et tous jugemens demeureront nuls, et de nul effet, comme non donnez ny advenus, avec liberté pleine et entiere auxdites parties, de revenir dans les pays d’où elles se sont cy-devant retirées, pour jouir en personne de leurs biens, immeubles, rentes et revenus : ou d’establir leur demeure hors desdits Pays, en tel lieu que bon leur semblera, leur en demeurant le choix et l’eslection, sans que l’on puisse user contre eux d’aucune contrainte pour ce regard : et en cas qu’ilz aiment mieux demeurer ailleurs, ilz pourront deputer et commettre telles personnes, non suspectes, que bon leurs semblera, pour le gouvernement et jouissance de leurs biens, rentes et revenus ; mais non au regard des bénéfices requerans residence, qui devront estre personnellement administrez et deservis : sans toutefois que la liberté du sejour en personne, dont il est parlé en cet article, se puisse estendre en faveur de ceux dont il est disposé au contraire par d’autres articles du present Traité.

ARTICLE 31[modifier]

Ceux qui auront esté pourveus d’un costé ou d’autre des benefices estans à la Collation, presentation ou autre disposition desdits Seigneurs Roys, ou autres, tant Ecclésiastiques que Laïques, ou qui auront obtenu provision du Pape, de quelques autres benefices situez dans l’obeissance de l’un desdits Seigneurs Roys, par le consentement et permission duquel ils en auront jouy pendant la guerre, demeureront en la possession et jouissance desdits benefices, leur vie durant, comme bien et deuement pourveus : sans que toutefois on entende faire aucun prejudice, pour l’advenir, au droit des legitimes Collateurs, qui en jouiront et en useront comme ils avoient accoustumé avant la Guerre.

ARTICLE 32[modifier]

Tous Prelats, Abbez, Prieurs, et autres Eclesiastiques, qui ont esté nommez à leurs benefices, ou pourveus d’Iceux par lesdits Seigneurs Roys, avant la guerre, ou pendant Icelle, et ausquels leurs Majestez estoient en possession de pourvoir ou nommer, avant la rupture entre les deux Couronnes, seront maintenus en la possession et jouissance desdits benefices, sans pouvoir y estre troublez, pour quelque cause et pretexte que ce soit : Comme aussy en la libre jouissance de tous les biens qui se trouveront en avoir dépendu d’ancienneté, et au droit de conferer les benefices qui en dépendent, en quelque lieu que lesdits biens et benefices se trouvent situez : pourveu toutefois que lesdits benefices soient remplis de personnes capables, et qui ayent les qualitez requises, selon les reglemens qui estoient observez avant la guerre : sans que l’on puisse à l’advenir de part ny d’autre, envoyer des administrateurs pour régir lesdits benefices, et jouir des fruits, lesquelz ne pourront estre perceus que par les titulaires, qui en auront esté légitimement pourveus : Comme aussy tous lieux, qui ont cy-devant recognu la jurisdiction desdits Prelats, Abbez et Prieurs, en quelque part qu’ilz soient situez, la devront aussi recognoitre à l’advenir, pourveu qu’il apparoisse que leur droit est estably d’ancienneté, encore que lesdits lieux se trouvassent dans l’étendue de la domination du parti contraire, ou dépendances de quelques Chastellenies ou Bailliages appartenans audit party contraire.

ARTICLE 33[modifier]

Et afin que cette paix et union, confederation et bonne correspondance soit, comme on le desire, d’autant plus ferme, durable et indissoluble ; lesdits deux principaux Ministres, Cardinal Duc, et Marquis Comte Duc, en vertu du Pouvoir special qu’ils ont eu à cet effet des deux Seigneurs Roys, ont accordé et arresté en leur nom, le mariage du Roy Tres-Chrestien, avec la Serenissime Infante, Dame Marie Terese, fille aisnée du Roy Catholique : et ce mesme jour date des Presentes, ont fait et signé un Traité particulier, auquel on se remet touchant les conditions réciproques dudit mariage et le temps de sa célébration : Lequel traité à part, et capitulation de mariage, sont de la mesme force et vigueur que le present Traité, comme en estant la partie principale, et la plus digne, aussy bien que le plus grand et le plus precieux gage de la seureté de sa durée.

ARTICLE 34[modifier]

D’autant que les longueurs et difficultez qui se fussent rencontreés, si ont fut entré en discussion de divers droitz et pretentions desdits Seigneurs Roys, eussent pû beaucoup retarder la conclusion de ce Traité, et differer le bien que toute la Chrestienté en attend, et en recevra ; il a esté convenu et accordé, en contemplation de la paix, touchant la retention ou restitution des conquestes faites en la presente guerre, que tous les differends desdits Seigneurs Roys seront terminez et ajustez en la maniere qui ensuit.

ARTICLE 35[modifier]

En premier lieu, il a esté convenu et accordé, pour ce qui concerne les Pays-Bas, que le Seigneur Roy Tres-Chrestien demeurera saisi, et jouira effectivement des places, villes, pays et chasteaux, Domaines, Terres et Seigneuries, qui ensuivent.

Premierement, dans le Comté d’Artois, de la ville et cité d’Arras, sa gouvernance et Bailliage, de Hesdin et son Bailliage, de Bapaume et son Bailliage, de Betune et sa Gouvernance ou Bailliage, de la Comté de Saint-Pol, de Teroanne et son Bailliage, de Pas et son Bailliage : comme aussy de tous les autres bailliages et chastellenies dudit Artois, quelz qu’ilz puissent estre, encore qu’ilz ne soient pas icy particulierement énoncez et nommez : à la reserve seulement des villes et bailliages ou chastellenie et gouvernances d’Aire et de Saint-Omer, et de leurs appartenances, dépendances et annexes, qui demeureront toutes à Sa Majesté Catholique : comme aussy le lieu de Renti, en cas qu’il se trouve estre desdites dépendances d’Aire, ou de Saint-Omer, et non d’autre maniere.

ARTICLE 36[modifier]

En second lieu, dans la Province et comté de Flandres, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien demeurera saisi et jouira effectivement des Places de Graveline (avec les fortz Philippes, l’Escluse et Hannüin) de Bourbourg et sa Chastellenie, et de Saint-Venant, soit qu’il soit de la Flandre ou de l’Artois, et de leurs domaines, appartenances, dépendances et annexes.

ARTICLE 37[modifier]

En troisième lieu, dans la Province et Comté de Hainaut, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien demeurera saisi, et jouira effectivement des Places de Landrecy et du Quesnoy, et de leurs Bailliages, Prevostez ou Chastellenies, Domaines, appartenances ou annexes.

ARTICLE 38[modifier]

En quatrième lieu, dans la Province et Duché de Luxembourg, lesdit Seigneur Roy Tres-Chrestien demeurera saisi, jouira effectivement des places de Thionville, Montmedy, Damvillers, leurs appartenances, dépendances, annexes, Prevostez et Seigneuries : et de la Ville et Prevosté d’Ivoy, de Chavency le Chateau, et sa Prevosté ; et du lieu et Poste de Marville, situé sur la petite riviere appelée Vezin, et de la Prevosté dudit Marville, lequel lieu et Prevosté avoient autrefois appartenu, partie aux ducs de Luxembourg, et partie à ceux de Bar.

ARTICLE 39[modifier]

En cinquième lieu, Sa Majesté Tres-Chrestienne ayant fermement déclaré ne pouvoir jamais consentir à la restitution des places de la Bassée, et de Berg-Saint-Vinox, Chastellenie dudit Berg et Fort Royal basty sur le canal, prez de la ville de Berg ; et Sa Majesté Catholique ayant condescendu qu’elles demeurassent à la France, si ce n’est que l’on pût convenir et ajuster un eschange desdites places, avec d’autres de pareille consideration et commodité réciproque ; lesdits deux Seigneurs Plenipotentiaires sont enfin convenus, que lesdites deux places de la Bassée et de Berg-Saint-Vinox, sa chastellenie, et Fort Royal dudit Berg, seroient eschangées avec celles de Mariembourg et de Philippeville, situées entre Sambre et Meuse, leurs appartenances, dépendances, annexes et domaines : Et partant Sadite Majesté Tres-Chrestienne rendant, comme il sera dit cy-aprés, à Sa Majesté Catholique, lesdites places de la Bassée et de Berg-Saint Vinox et sa Chastellenie, et Fort Royal, avec leurs appartenances, dépendances, annexes et domaines ; sadite Majesté Catholique fera mettre en mesme temps, entre les mains de Sa Majesté Tres-Chrestienne, lesdites places de Mariembourg et Philippeville, pour en demeurer saisie Sadite Majesté Tres-Chrestienne, et en jouir effectivement, et de leurs appartenances, dépendances, annexes et domaines, en la mesme maniere, et avec les mesmes droitz de possession, Souveraineté et autres, avec lesquels Elle jouira et pourra jouir par le present Traité, des places que ses armes ont occupé en cette guerre, et qui luy doivent demeurer par cette paix : et mesme en cas qu’à l’advenir Sa Majesté Tres-Chrestienne fut troublée en la possession et jouissance desdites places de Mariembourg et de Philippeville, pour raison des pretentions que pourroient avoir d’autres Princes ; Sa Majesté Catholique s’oblige de concourir à leur defense, et de faire de sa part tout ce qui sera necessaire, afin que Sa Majesté Tres-Chrestienne puisse jouir paisiblement et sans contestation, desdites places, en consideration de ce qu’elle les a cédées en eschange desdits la Bassée et Berg-Saint Vinox, que sa Majesté Tres-Chrestienne pouvoit retenir et posseder sans trouble, et en toute seureté.

ARTICLE 40[modifier]

En sixiéme lieu, Sa Majesté Catholique, pour certaines considerations, cy-apres particulierement exprimées dans un autre Article du present Traité, s’oblige et promet de remettre entre les mains de Sa Majesté Tres-Chrestienne, la ville et place d’Avennes, située entre Sambre et Meuse, avec ses appartenances, dépendances, annexes, et domaines, et toute l’artillerie et munitions de guerre, qui y sont presentement, pour demeurer Sadite Majesté Tres Chrestienne saisie de ladite place d’Avenne, et en jouir effectivement, et desdites appartenances, dépendances, annexes et domaines, en la mesme maniere, et avec les mesmes droits e possession, Souverainteté, et autres choses que Sa Majesté Catholique les possede à present. Et d’autant que l’on a sceu que dans ledite place d’Avennes et ses appartenances, dépendances, annexes et domaines, la Jurisdiction ordinaire, les rentes et autres profits appartiennent au Prince de Chimay ; il a esté déclaré et convenu entre les deux Seigneurs Roys, que tout ce que les murailles et fortifications de ladite place encerrent, demeurera à Sa Majesté Tres-Chrestienne, en sorte que ledit Prince n’aura aucun droit, rente ny Jurisdiction au dedans desdits murailles et fortifications ; Luy estant seulement reservé tout ce qui par le passé Luy a appartenu hors ladite Ville, et dans les Villages, plat-pays et bois desdites dépendances et domaindes d’Avennes, et en la mesme maniere qu’il l’a possedé jusqu’à present : Bien entendu aussy, comm’il a esté dit, que le souveraineté et haut domaine dans lesdits Villages, plat-Pays et bois dépendans d’Avennes, appartiendra et demeurera à Sa Majesté Tres Chrestienne ; ledit Seigneur Roy Catholique s’estant chargé de dédommager ledit Prince de Chimay, de ce qui peut importer tout ce qui luy est osté par le present Traité, dans l’enclos de ladite Place, comme il est dit cy-dessus.

==ARTICLE 41==

Lesdites places d’Arras, Hesdin, Bapaume, Betune, et les villes de Lilers, Lens, Comté de Saint-Pol, Teroanne, Pas, et leurs bailliages : comme aussy tous les autres bailliages et chastellenies de l’Artois (à la réserve seulement, ainsi qu’il a esté dit, des Villes et Bailliages d’Aire et de Saint-Omer, leurs appartenances, dépendances, annexes et domaines) comme aussi Renti, en cas qu’il ne se trouve pas estre desdites dépendances d’Aire, ou de Saint-Omer, ensemble les places de Gravelines (avec les Forts Philippes, l’Escluse et Hanüin), Boubourg et Saint-Venant, dans la Flandre ; les Places de Landrecy et le Quesnoy, dans le Hainaut : comme aussy celles d’Avennes, Marienbourg et Philippeville, qui seront mises entre les mains du Roy Tres-Chrestien, ainsi qu’il a esté dit cy-devant : ensemble les Places de Thionville, Montmedy, et Damvilliers, Ville et Prevosté d’Ivoy, Chavancy le Chasteau, et sa Prevosté, et Marville dans le Luxembourg, leurs bailliages, chastellenies, gouvernances, Prevostez, Territoires, Domaines, Seigneuries, appartenances, dépendances et annexes, demeureront par le present Traité de paix, audit Seigneur Roy Tres-Chrestien, et à ses Successeurs et ayans cause irrevocablement et à tousjours avec les mesmes droits de Souveraineté, propriété, droits de Régales, Patronage, Gardienneté, Jurisdiction, nomination, prerogatives et préeminences, sur les Evêchez, Églises Cathedrales, et autres Abbayes, Prieurez, Dignitez, Cures, ou autres quelconques benefices, estans dans l’étenduë desdits pays, places, et bailliages cedez, de quelque Abbaye que lesdits Prieurez soient mouvans et dépendans ; et generalement sans rien retenir ni reserver, tous autres Droits que ledit Seigneur Roy Catholique, ou sesdits Hoirs et Successeurs, ont et prétendent, ou pourroient avoir et pretendre, pour quelque cause et occasion que ce soit, sur lesdits pays, places, Chateaux et forts, Terres, Seigneuries, domaines, Chastellenies, bailliages, et sur tous les lieux en dépendans, comme dit est : Lesquels, ensemble tous les Hommes, Vassaux, Sujets, bourgs, villages, hameaux, forests, rivieres, plat-pays, et autres choses quelconques qui en dépendent, sans rien retenir ny reserver, ledit Seigneur Roy Catholique, tant pour luy qur pour ses Successeurs, consent estre dés à présent et pour tousjours, unis et incorporez à la Couronne de France ; nonobstant toutes Loix, Coustumes, Statuts, et Constitution faites au contraire, mesme qui auroient esté confirmées par serment ; ausquelles et aux clauses dérogatoires des dérogatoires, il est expressément dérogé par le present Traité, pour l’effet desdites renonciations et cessions, lesquelles vaudront et auront lieu, sans que l’expression ou specification particuliere déroge à la generale, ny la generale à la particuliere ; excluant à perpétuité toutes exceptions, soubz quelque droit, tiltre, cause ou pretexte qu’elles puissent estre fondées : Declare, consent, veut et entend ledit Seigneur Roy Catholique, que lesdits hommes, vassaux et sujets desdits pays, villes et terres cédées à la Couronne de France, comme il est dit cy-dessus, soyent et demeurent, quittes et absous dez à present et pour tousjours, de foy, hommage,service et serment de fidelité, qu’ils pourroient tous et chacun d’eux luy avoir fait et à ses Predecesseurs Roys Catholiques : Ensemble de toute obeissance, sujettion et vassalage, que pour raison de ce ils pourroient leur devoir : voulant ledit Seigneur Roy Catholique, que lesdits foy et hommage, et serment de fidelité, demeurent nulz et de nulle valeur, comme sy jamais ils n’avoient esté faitz ni prestez.

ARTICLE 42[modifier]

Et pour ce qui concerne les pays et places que les armes de France ont occupe en cette Guerre, du costé d’Espagne, comme l’on auroit convenu en la negociation commencée à Madrid l’année 1656, sur laquelle est fondée le present Traité, que les monts Pirenées, qui avoient anciennement divisé les Gaules des Espagnes, seront aussy doresnavant la division des deux mesmes Royaumes, il a esté convenu et accordé, que ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien demeurera en possession, et jouira effectivement de tout le Comté et Viguerie de Roussillon, du Comté et Viguerie de Conflans, pays, villes, places et chasteaux, bourgs, villages et lieux qui composent lesdits Comtez et viguerie de Roussillon et de Conflans. Et demeureront au Seigneur Roy Catholique, le Comté et viguerie de Cerdagne, et tout le Principat de Cataloigne, avec les vigueries, places, villes, chasteaux, bourgs, hameaux, lieux et pays qui composent ledit Comté de Cerdagne, et Principat de Cataloigne. Bien entendu, que s’il se trouve quelques lieux dudit Comté et viguerie de Conflans seulement, et non de Roussillon, qui soient dans lesdits monts Pirenées du costé d’Espagne, ils demeureront aussy à Sa Majesté Catholique : Comme pareillement s’il se trouve quelques lieux dudit Comté et viguerie de Cerdagne seulement, et non de Catalogne, qui soient dans lesdits monts Pirenées, du costé de France, ils demeureront à Sa Majesté Tres-Chrestienne. Et pour convenir de ladite division, seront presentement deputez des Commissaires de part et d’autre, lesquels ensemble de bonne foy declareront quels sont les monts Pirenées, qui suivant le contenu en cet article, doivent diviser à l’advenir les deux Royaumes, et signaleront les limites qu’ils doivent avoir. Et s’assembleront lesdits Commissaires sur les lieux au plus tard dans un mois après la signature du present Traité, et dans le terme d’un autre mois suivant auront convenu ensemble et déclaré de commun concert ce que dessus. Bien entendu, que si alors ilz n’en ont pû demeurer d’accord entr’eux, ilz envoyeront aussy tost les motifs de leurs advis aux deux plenipotentiaires des deux Seigneurs Roys, lesquels ayans eu cognoissance des difficultez et differends qui s’y seront rencontrez, conviendront entr’eux sur ce point sans que pour cela on puisse retourner à la prise des armes[1].

  1. voir Traité de Llivia

ARTICLE 43[modifier]

Tout ledit Comté et viguerie de Roussillon, Comté et viguerie de Conflans (à la réserve des lieux qui se trouveront estre dans les monts pirenées du costé d’Espagne, en la maniere cy-dessus dite, suivant la declaration et ajustement des Commissaires qui seront deputez à cet effet) : comme aussy la partie du Comté de Cerdagne, qui se trouvera estre dans les monts pirenées du costé de France (suivant la mesme declaration des Commissaires) pays, villes, places et chasteaux qui composent lesdites Vigueries de Roussillon et de Conflans, et partie du comté de Cerdagne, en la maniere susdite, appartenances, dépendances et annexes, avec tous les hommes, vassaux, sujets, bourgs, villages, hameaux, forests, rivieres, plats-pays, et autres choses quelconques qui en dépendent, demeureront irrevocablement et à tousjours par le present Traité de paix, unis et incorporez à la Couronne de France, pour en jouir par ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien, ses hoirs, successeurs et ayans cause, avec les mesmes droits de souveraineté, proprieté, Regale, patronage, Jurisdiction, nomination, prerogatives, et préeminences sur les Eveschez, Églises Cathedrales, et autres, Abbayes, prieurez, Dignitez, Cures, ou autres quelconques benefices estans dans l’estenduë dudit Comté de Roussillon, viguerie de Conflans, et partie du Comté de Cerdagne, en la maniere cy-dessus dite (à la reserve pour le Conflans de ce qui se trouveroit dans les monts pirenées du costé d’Espagne) de quelque abbaye que lesdits Prieurez soient mouvans et dépendans, et tous autres droits qui ont cy-devant appartenu audit Seigneur Roy Catholique, encore qu’ils ne soient icy particulierement énoncez : sans que Sa Majesté Tres-Chrestienne puisse estre à l’advenir troublée ny inquiétée par quelconque voye que ce soit, de droit ou de fait, par ledit Seigneur Roy Catholique, ses successeurs, ou aucun Prince de sa Maison, ou par qui que ce soit, ou soubz quelque prétexte et occasion qui puisse arriver en ladite Souveraineté, Propriété, Jurisdiction, Ressort, possession et joüissance de tous ledits pays, villes, places, chasteaux, terres, seigneuries, domaines, chastellenies et bailliages : ensemble de tous les lieux et autres choses quelconques qui dépendent dudit Comté de Roussillon, Viguerie de Conflans, et partie du Comté de Cerdagne, en la maniere cy-dessus écrité (à la réserve pour le Conflans, de ce qui se trouveroit dans les monts pirenées du costé d’Espagne). Et pour cet effet lesdit Seigneur Roy Catholique, tant pour luy que pour ses hoirs, successeurs et ayans cause, renonce, quitte, cede et transporte comme son Plenipotentiaire en son nom par le présent Traité de paix irrévocable a renoncé, quitté, cédé et transporté, perpetuellement et à tousjours, en faveur et au profit dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, ses hoirs, successeurs et ayans cause, tous les droits, actions, pretentions, droits de regale, Patronage, jurisdiction, nomination, prerogatives et préeminences sur les Evêchez, Églises Cathedrales, et autres Abbayes, prieurez, dignitez, cures, ou autres quelconques benefices estans dans l’estendue dudit Comté de Roussillon, viguerie de Conflans, et partie du Comté de Cerdagne, en la maniere cy-dessus dite (à la réserve pour le Conflans, de ce qui se trouveroit dans les monts pirenées du costé d’Espagne) de quelque Abbaye que lesdits Prieurez soient mouvans et dépendans : et generalement tous autres droits, sans rien retenir ny reserver, que ledit Seigneur Roy Catholique, ou sesdits hoirs et successeurs ont et pretendent, ou pourroient avoir et pretendre, pour quelque cause et occasion que ce soit, sur lesdits Comté de Roussillon, Viguerie de Conflans, et partie du comté de Cerdagne, en la maniere cydessus ditte (à la réserve pour le Conflans, de ce qui se trouveroit dans les monts pirenées du costé d’Espagne) et sur tous les lieux en dépendans, comme dit est : Lesquelz, ensemble tous les hommes, vassaux, sujets, bourgs, villages, hameaux, forests, rivieres, plat-pays, et autres choses quelconques qui en dépendent, sans rien retenir ny reserver, ledit Seigneur Roy Catholique, tant pour luy que pour ses Successeurs, consent estre dez à present et pour tousjours, unis et incorporez à la Couronne de France, nonobstant toutes loix, coustumes, statuts, constitutions et conventions faites au contraire, mesme qui auroient esté confirmées par serment, auxquels et aux clauses derogatoires des dérogatoires, il est expressément derogé par le present Traitté, pour l’effet desdites renonciations et cessions ; lesquelles vaudront et auront lieu, sans que l’expression, ou specification particuliere deroge à la generale, ny la generale à la particuliere : en excluant à perpétuité toutes exceptions, soubz quelque droict, tiltre, cause ou pretexte qu’elles puissent estre fondées ; et nommément celle que l’on voulût ou pût pretendre à l’advenir, que la separation dudit Comté de Roussillon, viguerie de Conflans, et partie du Comté de Cerdagne, en la maniere susdite (à la reserve pour le Conflans, de ce qui se trouveroit dans les monts pirenées du costé d’Espagne) et de leurs appartenances et dependances, fut contre les constitutions du Principat de Catalogne ; et que partant ladite separation n’a pû estre resolue ny arrestée, sans le consentement exprez de tous les peuples assemblez en Estats generaux. Declare, consent, veut et entend ledit Seigneurs Roy Catholique, que lesdits hommes, vassaux, sujets dudit Comté de Roussillon, viguerie de Conflans, et partie du Comté de Cerdagne, en la maniere cy-dessus dite (à la reserve pour le Conflans, de ce qui se trouveroit estre dans les monts pirenées du costé d’Espagne) leurs appartenances et dependances, soient et demeurent quittes et absous, dés à present et pour tousjours, de foy, hommage, service et serment de fidelité qu’ils pourroient tous et chacun d’eux luy avoir fait, et à ses predecesseurs Roys Catholiques ; ensemble de toute obeissance, sujettion et vassalage, que pour cela ils pourroient luy devoir : voulant que lesdits foy, hommage et serment de fidelité, demeurent nuls et de nulle valeur, comme si jamais ils n’avoient esté faits ny prestez.

ARTICLE 44[modifier]

Ledit Seigneur Roy Catholique rentrera en la possession et jouissance du Comté de Charolois, pour en jouir luy et ses Successeurs, pleinement et paisiblement, et le tenir soubz la Souveraineté du Roy Tres-Chrestien, comme il le tenoit avant la presente guerre.

ARTICLE 45[modifier]

Ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien restituera audit Seigneur Roy Catholique : Premierement dans les Pays-Bas, les villes et places d’Ipre, Oudenarde, Dixmude, Firne avec les postes fortifiez de la Fintelle et de la Kenoque, Merville sur la Lis, Menene, et Comine, leurs appartenances, dépendances et annexes. Comme aussy Sa Majesté Tres-Chrestienne remettra entre les mains de Sa Majesté Catholique, les places de Berg-Saint-Vinox et son Fort Royal, et celle de la Bassée, en eschange de celles de Mariembourg et de Philippeville, comme il a esté cy-dessus en l’article 39.

ARTICLE 46[modifier]

En second lieu, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien restituera en Italie audit Seigneur Roy Catholique, les places de Valence sur le Po, et de Mortare, leurs appartenances, dépendances et annexes.

ARTICLE 47[modifier]

En troisiesme lieu, dans le comté de Bourgogne, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien restituera audit Seigneur Roy Catholique, les places et forts de Saint Amour, Bleterans et Joux, et leurs appartenances, dépendances et annexes : et tous les autres Postes fortifiez et non fortifiez, que les Armes de Sa Majesté Tres-Chrestienne auroient occupé dans ledit Comté de Bourgogne, sans y rien reserver ny retenir.

ARTICLE 48[modifier]

En quatriesme lieu, du costé d’Espagne, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien restituera audit Seigneur Roy Catholique les places et port de Roses, Fort de la Trinité, Cadaguez, la Seau d’Urgel, Toxen, le Chasteau de la Bastide, la ville et place de Baga, la ville et place de Ripol, et le Comté de Cerdagne, dans lequel sont Belver, Puicerda, Carol, et le Chasteau de Cerdagne, en l’estat qu’ils se trouveront à present ; avec tous les chasteaux, postes fortifiez ou non fortifiez, villes, citez, villages et autres lieux, appartenans, dépendans et annexes auxdites places de Roses, Cadaguez, Seau d’Urgel, et comté de Cerdagne, encore qu’ilz ne soient ici nommez et specifiez : Bien entendu, que si quelques uns des postes, villes, places et Chasteaux cy-dessus nommez, se trouvoient estre dans la viguerie de Cerdagne, dans les monts Pirenées du costé de France, ils demeureront à Sa Majesté Tres-Chrestienne, conformement et en vertu de l’article 42 du present Traité, nonobstant le contenu en celuy-cy, auquel en ce cas il est dérogé pour ce regard.

ARTICLE 49[modifier]

Ledit Seigneur Roy Catholique restituera audit Seigneur Roy Tres-Chrestien, les villes et places de Rocroy, le Catelet et Linchamp, avec leurs appartenances, dépendances et annexes ; sans que pour quelque raison, cause ou excuse que ce puisse estre, prevue ou non prevue, mesme celle que lesdites places de Rocroy, le Catelet et Lincham, soient presentement au pouvoir et en d’autres mains que celles de sa Majesté Catholique, Elle puisse se dispenses de faire ladite restitution desdites trois places audit seigneur Roy Tres-Chrestien ; Sadite Majesté Catholique se faisant fort, et prenant sur soy la réelle et fidele exécution du present article.

ARTICLE 50[modifier]

La restitution respective desdites places, ainsi qu’il est dit dans les cinq articles immediatement precedens, se fera par lesdits Seigneurs Rois, ou leurs ministres, réellement et de bone foy, et sans aucune longueur ny difficulté, pour quelque cause et occasion que ce soit, à celuy ou à ceux qui seront à ce deputez par lesdits Seigneurs Roys respectivement, dans le temps, et en la maniere qui sera cy-après dite, et en l’estat que lesdites places se trouvent à present, sans y rien demolir, affoiblir, diminuer ny endommager en aucune sorte ; et sans que l’on puisse pretendre ny demander aucun rembousement, pour les fortifications faites ausdites places, ny pour le payement de ce qui pourroit estre deub aux soldats et gens de guerre y estans.

ARTICLE 51[modifier]

Lesdits Seigneurs Roys restituans lesdites places respectivement, pourront faire tirer et emporter l’artillerie, poudres, boulletz, armes, vivres et autres munitions de guerre qui se trouveront dans lesdites places au temps de la restitution. Pourront aussi les Officiers, soldats, gens de guerre, et autres qui sortiront desdites Places, en tirer et emporter leurs biens meubles à eux appartenans, sans qu’il leur soit loisible d’exiger aucune chose des habitans desdites places et du plat-pays, ny endommager leurs maisons, ou emporter aucune chose appartenant auxdits habitans : Comme aussy lesdits Seigneurs Roys seront obligez à payer ausdits habitans des places dont leurs armes sortiront, et qu’ils restitueront tout ce qui justement leur pourra estre deub par lesdits Seigneurs Roys, pour choses que les gouverneurs desdites places, ou autres ministres desdits Seigneurs Roys auront prises pour employer à leur service, dont ils ayent donné des recepissez ou obligations aux personnes qui les auroient fournies : Comme aussy seront tenus les Officiers et soldats desdites garnisons de payer ce qu’ils devront legitimement aux habitans, par recepissez ou obligations : Bien entendu, que pour l’accomplissement de cette satisfaction des habitans, on ne retardera point la remise et la restitution desdites places, mais qu’elle sera faite dans le temps et jour qui sera convenu et prescrit cy-après en d’autres Articles du present Traité : demeurant en ce cas les cranciers dans tout le droit des justes prétentions qu’ils peuvent avoir.

ARTICLE 52[modifier]

Comme la Place de Hesdin et son bailliage, par le present Traité de paix, doit demeurer au Roy Tres-Chrestien : ainsi qu’il est dit cy-dessus, il a esté convenu et accordé, en consideration des offices du Seigneur Roy Catholique, qui avoit pris soubz sa protection les Officiers de guerre ou soldats de la garnison dudit Hesdin, qui s’estoient souslevez dans la place, et soustraits de l’obeissance dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, depuis la mort du Gouverneur de ladite place ; qu’en conformité des Articles, par lesquels les deux Seigneurs Roys pardonnent chacun à tous ceux qui ont suivy le parti contraire, pourveu qu’ils ne se trouvent prévenus d’autres délitz, et promettent les restablir dans la possession et jouissance de leurs biens. Sa Majesté Tres-Chrestienne fera expedier ses Lettres d’abolition et de pardon, en bonne forme, en faveur desdits Officiers de guerre, et soldats de la garnison dudit Hesdin ; lesquelles Lettres estant offertes et mises entre les mains du Commandant dans la place, au jour qui aura esté designé et résolu entre Leurs Majestez, pour la remise de ladite place au pouvoir de Sa Majesté Tres-Chrestienne, ainsi qu’il sera dit cy-après ; le même jour et au même temps, lesdits Commandant, Officiers et soldats seront tenus de sortir de ladite place, sans aucun delay ny excuse, soubz quelque pretexte que ce soit, préveu ou non préveu, et de remettre ladite place au même estat qu’elle estoit quand ils se sont soulevez, au pouvoir de celuy ou de ceux que Sa Majesté Tres-Chrestienne aura commis pour la recevoir en son nom : et cela sans rien changer, affoiblir, endommager, demolir ou alterer en quelque maniere que ce soit, en ladite Place. Et au cas que lesdites Lettres d’abolition et de pardon estant offertes audit Commandant, luy ou les autres Officiers et soldats de ladite garnison dudit Hesdin, refusent ou different, soubz quelque cause ou pretexte que ce puisse estre, de remettre ladite place dans le même estat, au pouvoir de celuy ou de ceux que Sadite Majesté Tres-Chrestienne aura commis pour la recevoir en son nom ; lesdits Commandant, officiers et soldats seront descheus de la grace que Sa Majesté Catholique leur a procurée de leur pardon et abolition, sans que Sadite Majesté en veuille plus faire aucune instance en leur faveur ; et au mesme cas promet Sadite Majesté Catholique, en foy et parole de Roy, de ne donner directement, ny indirectement, ausdits Commandant, Officiers et soldatz, ny permettre estre donnée par qui que ce soit, dans ses Estatz, aucune assistance d’hommes, d’armes, de vivres, de munitions de guerre, ny d’argent ; au contraire, d’assister de ses Troupes, si Elle en est requise, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien, pour l’attaque de ladite place, afin qu’elle soit plustost reduite à son obeissance, et que le present Traité sorte plustost son entier effet.

ARTICLE 53[modifier]

Comme les trois places d’Avennes, Philippeville, et Mariembourg, avec leurs appartenances, dépendances et annexes, sont cédées par le present Traité, ainsi qu’il a esté dit cy-dessus, au Seigneur Roy Tres-Chrestien, pour estre unies et incorporées à la Couronne de France ; il a esté convenu et accordé qu’en cas qu’entre lesdites places et la France, il se trouvast aucuns bourg, villages, lieux, postes ou pays, qui n’estant pas desdites dépendances, appartenances ou annexes, deussent demeurer en propriété et souveraineté audit Seigneur Roy Catholique, sadite Majesté Catholique, ny ses Successeurs Rois, en aucun temps ne pourront fortifier lesdits bourgs, villages, postes ou pays ny faire aussi aucunes fortifications nouvelles entre lesdites places d’Avennes, Philippeville, et Mariembourg, par le moyen desquelles fortifications, lesdites places d’Avennes ou aucunes d’Icelles, vinssent à estre coupées d’avec la France, ou leur communication entr’elles embarrassée : Comme pareillement a esté convenu et accordé, qu’en cas que le lieu de Renti, dans l’Artois, demeure à Sa Majesté Catholique, comme il a esté dit qu’il luy demeurera, s’il se trouve être des dépendances d’Aire ou de Saint-Omer, Sa Majesté Catholique, ny ses Successeurs Rois en aucun temps ne pourront fortifier ledit Renti.

ARTICLE 54[modifier]

Tous les papiers, titres et documens concernans les pays, terres et seigneuries qui doivent demeurer audit Seigneur Roi Tres-Chrestien, par le present Traité de paix, seront fournis et délivrez de bonne foy dans trois mois après que les ratifications du present Traité auront esté eschangées.

ARTICLE 55[modifier]

En vertu du present Traité, tous les Catalans et autres habitans de ladite province, tant Prelats, Eclesiastiques, Religieux, Seigneurs, Gentils-hommes, bourgeois, qu’autres habitans, tant des villes que du plat-pays, sans nul excepter, pourront rentrer, rentreront et seront effectivement laissez ou restablis en la possession et jouissance paisible de tous leurs biens, honneurs, dignitez, privileges, franchises, droits, exemptions, constitutions et libertez, sans pouvoir être recherchez, troublez ni inquietez, en general ny en particulier, pour quelque cause et pretexte que ce soit, pour raison de tout ce qui s’est passé depuis la naissance de la presente guerre : et à ces fins, Sa Majesté Catholique accordera et fera publier, en bonne forme, ses declarations d’abolition et de pardon, en faveur des Catalans, laquelle publication se fera le même jour que celle de la paix : Ensuite desquelles declarations, il leur sera permis à tous et à chacun en particulier, ou de retourner en personne dans leurs maisons, en la jouisance de leurs biens, ou, en cas qu’ilz veuillent établir leur sejour ailleurs que dans la Catalogne, ilz le pourront faire, et envoyer audit pays de Catalogne, leurs agens et procureurs, pour prendre en leur nom, et pour eux, la possession desdits biens, les faire cultiver et administrer, en percevoir les fruits et revenus, et la faire transporter par tout ailleurs où bon leur semblera : sans qu’ilz puissent être forcez à aller en personne prester les hommages de leurs fiefs, à quoy leurs procureurs pourront satisfaire en leur nom : et sans que leur absence puisse empêcher la libre possession et jouissance desdits biens, qu’ilz auront aussy toute faculté et liberté d’eschanger ou d’aliener par vente, donation, ou autrement ; A la charge neantmoins que ceux qui seront commis pour regime et culture desdits biens, ne soient suspects aux gouverneur et magistrats du lieu où lesdits biens seront situez : auquel cas, il sera pourveu par les proprietaires, d’autres personnes agreables et non suspectes ; demeurant neantmoins à la volonté et au pouvoir de Sa Majesté Catholique, de prescrire le lieu de leur sejour à ceux desdits Catalans dont Elle n’aura pas le retour dans le Pays agreable : sans toutefois que les autres libertez et privileges qui leur auront esté accordez, et dont ils jouissoient, puissent être revoquez ny alterez. Comme aussy il demeurera à la volonté et au pouvoir de Sa Majesté Tres-Chrétienne, de prescrire le lieu de leur sejour à ceux du Comté de Roussillon, appartenances et dépendances, qui se sont retirez en Espagne, dont Elle n’aura pas le retour dans ledit Comté agreable : sans toutefois que les autres libertez et privileges qui auroient été accordez ausdites personnes, puissent être revoquez ny alterez.

ARTICLE 56[modifier]

Les successions testamentaires, ou autres quelconques donations entrevifs ou autre, des habitans de Catalogne et du Comté de Roussillon, réciproquement des uns aux autres, leur demeureront également permises et inviolables : et en cas que sur le fait desdites successions et donations, ou autres actes et contracts, il arrivât entr’eux des differents sur lesquels ils fussent obligez de plaider et entrer en procez, la Justice leur sera faite de chaque côté, avec égalité et bonne foy, quoy qu’ilz soient dans l’obeissance de l’autre party.

ARTICLE 57[modifier]

Les Evêques, Abbez, Prelats, et autres, pourveus pendant la guerre de benefices Eclesiastqiues, avec approbation de nostre Saint Pere le Pape, ou par authorité Apostolique, demeurant dans les terres de l’un des partis, jouiront des fruits, rentes et revenus desdits benefices, qui se trouveront estre dans l’etendue des terres de l’autre Party, sans aucun trouble ny empeschement pour quelque cause, raison ou pretexte que ce puisse estre : et à cette fin ilz pourront commettre pour ladite jouissance et perception de fruits, des personnes non suspectes, après en avoir eu l’agréement du Roy (ou de ses Officiers et Magistrats) soubz la domination duquel se trouveront être situez lesdits fruits, rentes et revenus.

ARTICLE 58[modifier]

Ceux des habitans du Principat de Catalogne, ou Comté de Roussillon, qui auront jouy par donation, ou confiscation accordée par l’un des deux Roys, des biens qui appartenoient à quelques personnes du party contraire, ne seront obligez de faire aucune restitution aux proprietaires desdits biens, des fruits qu’ils auront perçus en vertu desdites donations et confiscations pendant la durée de la presente guerre : Bien entendu, que l’effet desdites donations et confiscations cessera le jour de la publication de la paix.

ARTICLE 59[modifier]

Il sera deputé des Commissaires de part et d’autre, deux mois après la publication du present Traité, qui s’assembleront au lieu dont il sera respectivement convenu, pour y terminer à l’amiable tous les differens qui pourroient se rencontrer entre les deux partis ; lesquels Commissaires auront l’œil à faire esgalement bien traiter les sujets de côté et d’autre, et ne permettront pas que les uns rentrent dans la possession de leurs biens, que lors et au mesme temps que les autres rentreront dans la possession des leurs : comme aussy travailleront lesdits Commissaires (si on le juge à propos de la sorte) à faire une juste evaluation de part et d’autre des biens de ceux qui ne voudront pas retourner habiter dans le pays qu’ils ont quitté, ou que l’un des deux Roys n’y voudra pas admettre, lui ayant prescrit ailleurs son sejour, suivant ce qu’il est dit cy-dessus ; afin que ladite evaluation étant faite, les mesmes Commissaires puissent ménager en toute equité les eschanges et compensations desdits biens, pour plus grande commodité, et avec esgal advantage des parties interessées, prenant garde qu’aucune n’y soit lesée : et enfin regleront lesdits Commissaires toutes les choses concernant le commerce et frequentation des sujets de part et d’autre, et toutes celles qu’ilz estimeront pouvoir plus contribuer à l’utilité publique, et à l’affermissement de la paix : et tout ce qui a été dit dans les quatre articles immediatement precedens, et dans celuy-cy, touchant le Comté de Roussillon et ses habitans, doit être entendu de la mesme maniere, de la viguerie de Conflans, et de la partie du Comté de Cerdagne, qui peut, ou doit demeurer en propre par le present Traité à Sa Majesté Tres-Chrestienne, par la declaration des Commissaires cy-dessus dits, et des habitans de ladite viguerie de Conflans, et partie susdite du Comté de Cerdagne : comme aussy se doit entendre reciproquement des habitans du Comté de Cerdagne, et de la partie de la viguerie de Conflans, qui peut ou doit demeurer à Sa Majesté Catholique par le present Traité et declarations desdits Commissaires.

ARTICLE 60[modifier]

Quoy que Sa Majesté Tres-Chrestienne n’ayt jamais voulu s’engager, nonobstant les vives instances qui luy en ont souvent esté faites, accompagnées mesme d’offres tres considerables, à ne pouvoir faire la paix, sans l’inclusion du Royaume du Portugal, d’autant qu’Elle a preveu et apprehendé qu’un pareil engagement, pourroit estre un obstacle insurmontable à la conclusion de ladite paix, et par consequent reduire les deux Rois à la necessité de perpetuer la guerre : neantmoins sadite Majesté TresChrestienne, souhaitant avec une passion extrême, de voir le Royaume de Portugal jouir du mesme repos qu’acquerront tant d’autres Estatz Chrétiens, par le present Traité, auroit proposé à cette fin bon nombre de partis et d’expediens qu’Elle jugeoit pouvoir estre de la satisfaction de Sa Majesté Catholique : parmy lesquels mesme, nonobstant comm’il est dit cy-dessus, que Sa Majesté n’eut aucun engagement en cette affaire, Elle en est venue jusqu’à voulois se priver du principal fruit du bonheur qu’ont eu ses armes dans le cours d’une longue guerre, offrant, outre les places qu’elle restitue par le present Traité à Sa Majesté Catholique, de luy rendre encore toutes les autres conquestes generalement, que sesdites Armes ont faites en cette guerre, et de restablir entierement M. le Prince de Condé, pourveu et à condition que les affaires du Royaume de Portugal fussent laissées en l’état qu’elles se trouvent à present ; ce que Sa Majesté Catholique n’ayant pas voulu accepter, auroit seulement offert, qu’en consideration des puissans offices dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, Elle consentiroit à remettre les choses audit Royaume de Portugal, au mesme estat qu’elles estoient avant le changement qui y arriva au mois de Decembre de l’année 1640, pardonnant et donnant une abolition generale de tout le passé, et accordant le rétablissement dans tous les biens, honneurs et dignitez de tous ceux, sans distinction de personne ou personnes, qui retournant en l’obeissance de Sa Majesté Catholique, se mettroient en estat de jouir de l’effet de la presente paix. Enfin, en contemplation de la paix, et veu l’absolue nécessité où Sa Majesté Tres-Chrestienne s’est trouvée de perpetuer la guerre, par la rupture du present Traité, qu’Elle a recognue estre inévitable, en cas qu’Elle eût voulu persister plus longtemps pour obtenir en cette affaire de Sa Majesté Catholique, d’autres conditions que celles dont Elle avoit offert, ainsi qu’il est dit cy-dessus : Et sadite Majesté Tres-Chrétienne, devant et voulant preferer (comme il est juste) le repos general de la Chrestienté à l’interest particulier du Royaume de Portugal, pour l’advantage et en faveur duquel elle n’avoit déjà rien obmis de ce qui pouvoit dépendre d’Elle, et restoit en son pouvoir, jusques à faire des offres aussi grandes qu’il a esté dit cy-dessus ; il a esté finalement convenu et arresté entre les deux Seigneurs Roys, qu’il sera accordé à Sa Majesté Tres-Chrestienne trois mois de temps, à compter du jour de l’eschange des ratifications du present Traité ; pendant lesquelz Elle puisse envoyer audit Royaume de portugal, pour tascher d’y disposer les choses à ajuster et reduire cette affaire, en sorte que Sa Majeté Catholique en demeure pleinement satisfaite : aprés lesquelz trois mois expirez, si les soins et les offices de sadite Majesté Tres-Chrestienne n’ont pû produire l’effet qu’on se propose, sadite Majesté ne se meslera plus de ladite affaire, et promet, s’oblige et engage, sur son honneur, et en foy et parole de Roy, pour soy et ses successeurs, de ne donner audit Royaume de Portugal ny en commun, ny à aucune personne ou personnes d’Iceluy, en particulier, de quelque dignité, estat, qualité et condition qu’ils soient, à present, ni à l’advenir, aucune ayde, ny assistance publique ny secrette, directement ou indirectement, d’hommes, armes, munitions, vivres, vaisseaux ou argent, soubz aucun pretexte, ny aucune autre chose que ce soit, ou puisse estre, par terre ny par mer, ny en aucune autre maniere : comme aussy de ne permettre qu’il se fasse des levées en aucun endroit de ses Royaumes et Estatz, ny d’y accorder le passage à aucunes qui pourroient venir d’autres Estatz au secours dudit Royaume de Portugal.

ARTICLE 61[modifier]

Sa Majesté Catholique renonce par ce Traité, tant en son nom, que de ses Hoirs, Successeurs et Ayans cause, à tous les droits et prétentions, sans rien reserver ny retenir, qu’Elle peut ou pourroit cy-après avoir sur la Haute et Basse Alsace, le Zuntgau, le Comté de Ferette, Brisac et ses dépendances, et sur tous les pays, places et droits qui ont esté délaissez et cedez à Sa Majesté Tres-Chrestienne, par le Traité fait à Münster le 24e octobre 1648, pour estre unis et incorporez à la Couronne de France ; Sa Majesté Catholique approuvant, pour l’effet de ladite renonciation, le contenu audit Traité de Münster, et non en aucune autre chose dudit Traité, pour n’y avoir intervenu. Moyennant laquelle presente renonciation, Sa Majesté Très-Chrestienne offre de satisfaire au payement des trois millions de livres tournois qu’Elle est obligée par ledit Traité, de payer à Mrs les Archiducs d’Insprück.

ARTICLE 62[modifier]

Monseigneur le Duc Charles de Lorraine ayant tesmoigné grand desplaisir de la conduite qu’il a tenue à l’esgard du Seigneur Roy Tres-Chrestien, et avoir ferme intention de le rendre plus satisfait à l’advenir, de lui et de ses actions, que le temps et les occasions passées ne luy en ont donné le moyen : Sa Majesté Tres-Chrestienne, en consideration des puissans offices de Sa Majesté Catholique, reçoit dès à present ledit Seigneur Duc dans sa bonne grace ; et en contemplation de la paix, sans s’arrester aux droits qui pouvoient lui estre acquis par divers Traitez faits par le feu Roy son Pere avec ledit Seigneur Duc, aprés avoir fait préalablement démolir les fortifications des deux villes de Nancy, qui ne pourront plus estre refaites et aprés en avoir retiré et fait transporter toute l’artillerie, poudres, boulets, armes, vivres et munitions de guerre, qui sont à present dans les magazins dudit Nancy remettra ledit Seigneur Duc Charles de Lorraine dans la possession du Duché de Lorraine, et mesme des villes, places et pays qu’il a autrefois possedez, dépendant des trois Eveschez de Metz, Toul et Verdun ; à la reserve premierement et exception de Moyenvic, lequel, quoy qu’enclavé dans ledit Estat de Lorraine appartenait à l’Empire, et a esté cedé à Sa Majesté Tres-Chrétienne par le Traité fait à Müster le 24e jour d’octobre 1648.

ARTICLE 63[modifier]

En second lieu, à la reserve et exception de tout le Duché de Bar, Pays, villes et places qui le composent, tant la partie qui est mouvante de la Couronne de France, comme celle qu’on peut prétendre n’en estre pas mouvante.

ARTICLE 64[modifier]

En troisiesme lieu, à la reserve et exception du Comté de Clermont et de son domaine, et des places, prévôtez et terres de Stenay, Dun, et Jamets, avec tout le revenu d’Icelles, villages et territoires qui en dépendent ; lesquels Moyenvic, Duché de Bar (compris la partie du lieu et Prévôté de Marville, laquelle partie, ainsi qu’il a esté dit cy-dessus, appartenoit aux Ducs de Bar) Places, Comté, Prévôtez, terres et domaines de Clermont, Stenay, Dun et Jamets, avec leurs appartenances, dépendances et annexes, qui demeureront à jamais unis et incorporez à la Couronne de France.

==ARTICLE 65==

Ledit Seigneur Duc Charles de Lorraine, avant son restablissement dans les Estatz cy-dessus specifiez, et avant qu’aucune place luy soit restituée, donnera son consentement au contenu aux trois articles immédiatement precedens : Et pour cet effet, delivrera à Sa Majesté Trés-Chrestienne, en la forme la plus valable et authentique qu’Elle pourra desirer, les actes de sa rénonciation et cession desdits Moyenvic, Duché de Bar (y compris la partie de Marville) tant partie mouvante, que pretendue non mouvante de la Couronne de France, Stenay, Dun, Jamets, le Comté de Clermont, et son domaine, appartenances, dépendances et annexes, sans pouvoir rien pretendre ny demander par ledit Seigneur Duc, ou ses Successeurs, ny presentement, ny en aucun temps à l’advenir, pour le prix que le feu Roy Louis 13e de glorieuse memoire, s’estoit obligé de payer audit Seigneur Duc, pour ledit Domaine du Comté de Clermont, par le traité fait à Liverdun au mois de juin 1632, attendu que l’article où est contenue ladite obligation, a esté annullé par les Traittez subsequens, et de nouveau, entant que besoin seroit, est entierement annullé par celuy-cy.

ARTICLE 66[modifier]

Sa Majesté tres-Chrestienne, restituant audit Seigneur Duc Charles, les Places de son Estat ainsi qu’il est dit cy-dessus ; y laissera (à la reserve et exception de celles qu’il est convenu devoir estre démolies) toute l’artillerie, poudre, boulets, armes, vivres et munitions de guerre qui sont dans les magasins desdites places, sans pouvoir les affoiblir ny endommager en aucune maniere que ce soit.

==ARTICLE 67==

Ledit Seigneur Duc Charles de Lorraine, ny aucun Prince de sa Maison, ou de ses adherans et dépendans, ne pourront demeurer armez ; mais seront tant ledit Sieur Duc, que les autres cy-dessus dits, obligez de licentier leurs troupes à la publication de la presente paix.

ARTICLE 68[modifier]

Ledit Seigneur Duc Charles de Lorraine, avant son restablissement dans ses Estats, fournira aussy Acte en bonne forme à Sa Majesté Tres-Chrestienne, qu’il se desiste et depart de toutes Intelligences, Ligues, associations, et pratiques qu’il auroit, ou pourroit avoir avec quelque Prince, Estat et Potentat que ce pût estre, au préjudice de Sadite Majesté, et de la Couronne de France ; avec promesse qu’à l’advenir il ne donnera aucune retraite dans ses Estatz, à aucun ennemy, ou sujet rebelle, ou suspect à Sa Majesté, et ne permettra qu’il s’y fasse aucune levée ny amas de Gens de Guerre contre son service.

ARTICLE 69[modifier]

Ledit Seigneur Duc Charles de Lorraine donnera pareillement avant son restablissement susdit, un acte en bonne forme, à Sa Majesté Tres-Chrestienne, par lequel il s’oblige, tant pour Luy que pour ses Successeurs Ducs de Lorraine, d’accorder en tous tems, sans difficulté aucune, soubz quelque pretexte qu’elle pûst estre fodée, les passages dans ses Estatz, tant aux personnes qu’aux Troupes de Cavallerie et Infanterie que Sadite Majesté et ses Successeurs Roys de Drance, voudront envoyer en Alsace ou à Brisac, et à Philisbourg, aussy souvent qu’il en sera requis par Sadite Majesté et sesdits Successeurs : et de faire fournir ausdites Troupes dans sesdits Estats, les vivres, logemens et commoditez necessaires, par estapes, en payant lesdites Troupes, leurs dépenses, au prix courant du Pays : Bien entendu que ce ne seront que simples passages à journées réglées, et marches raisonnables, sans pouvoir séjourner dans lesdits Estatz de Lorraine.

ARTICLE 70[modifier]

Ledit Seigneur Duc Charles, avant son rétablissement dans son Estat, mettra entre les mains de Sa Majesté Tres-Chrestienne un acte en bonne forme, et à la satisfaction de Sadite Majesté, par lequel ledit Seigneur Duc s’oblige pour luy et pour tous ses Successeurs, de faire fournir par les fermiers et administrateurs des Salines de Rosieres, Chasteau Salins, Dieuze, et Marsal, lesquels Sa Majesté luy restitue par le present Traitté, toute la quantite de minots ou muids de sel, qui sera necessaire pour la fourniture de tous les greniers qu’il sera besoin de remplir, pour l’usage et consomption ordinaire des Sujets de Sa Majesté, dans les trois Eveschez de Metz, Toul, et Verdun, Duché de Bar, et Comtez de Clermont, Stenay, Jametz et Dun : et cela au même prix pour chaque minot ou muid de sel, que ledit Seigenur Duc Charles avoit accoustumé de le fournir aux greniers de l’Evesché de Metz, en temps de paix, pendant la dernière année que ledit Seigneur Duc a esté en possession de tout son Estat : sans qu’il puisse, ny ses Successeurs en aucun temps, augmenter le prix desdits minots ou muids de sel.

ARTICLE 71[modifier]

Et dautant que depuis que le feu Roy Tres-Chrestien, de glorieuse memoire, a conquis la Lorraine par ses armes, grand nombre des sujets de ce Duché ont servy leurs Majestez, ensuite des sermens de fidelité qu’elles ont desiré d’eux ; il a esté convenu, que ledit Seigneur Duc ne leur en sçauroit aucun mauvais gré, ni ne leur en fera aucun mauvais traitement : mais les considerera et traitera comme ses bons et fideles sujets, et les payera des dettes et rentes auxquelles ses Estatz peuvent estre obligez : ce que Sa Majesté desire si particulierement, que sans l’assurance qu’Elle prend de la foy que ledit Seigneur Duc luy donnera sur ce sujet, Elle ne luy eust jamais accordé ce qu’Elle fait par le present Traitté.

ARTICLE 72[modifier]

Il a esté convenu en outre, que ledit Seigneur Duc ne pourra apporter aucun changement aux provisions des benefices qui ont esté donnez par lesdits Seigneurs Roys, jusqu’au jour du present Traité : et que ceux qui en ont esté pourveus, demeureront en paisible possession et jouissance desdits benefices, sans que ledit Seigneur Duc leur apporte aucun trouble ny empeschement, ou qu’ils en puissent estre dépossedez.

ARTICLE 73[modifier]

Il a esté arresté en outre, que les Confiscations qui ont esté données par Sa Majesté, et le feu Roy son Pere, des biens de ceux qui portoient les armes contre Elle, seront valables, pour la jouissance desdits biens, jusqu’au jour de la date du present Traité : sans que ceux qui en ont jouy, en vertu desdits dons, en puissent estre recherchez ny inquietez, en quelque maniere, et pour quelque cause que ce puisse estre.

ARTICLE 74[modifier]

En outre a esté arresté, que toutes procedures, jugemens et arrests donnez par le Conseil, Juges et autres Officiers de Sa Majesté Tres-Chrestienne, pour raison des differents et procez poursuivis, tant par les sujets desdits Duchez de Lorraine et de Bar, qu’autres, durant le temps que lesdits Estatz ont esté soubz l’obeissance dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, et du feu roi son Pere, auront lieu, et sortiront leur plein et entier effet, tout ainsi qu’ils seroient, si ledit Seigneur Roy demeuroit Seigneur et possesseur dudit Pays ; Et ne pourront estre lesdits jugemens et arrests revoquez en doute, annullez, ny l’execution d’Iceux autrement retardée, ou empeschée : Bien sera loisible aux parties, de se pourvoir par revision de la cause, et selon l’ordre et disposition du droit, des Loix et Ordonnances : demeurans cependant les Jugemens en leur force et vertu.

ARTICLE 75[modifier]

de plus, est aussy accordé, que tous autres dons, graces, remissions, concessions et alienations faites par ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien, et le feu Roy son Pere, durant ledit temps des choses qui leur sont echeues et avenues, ou leur auroient esté adjugées, soit par confiscation, pour cas de crime et commise (autre pourtant que de guerre ou faute de legitimes Successeurs, ou autrement), seront et demeureront bonnes et valables, et ne se pourront revoquer, ny ceux ausquels lesdits dons, graces et alienations ont esté faites, estre inquietez ny troublez en la jouissance, en quelque maniere et pour quelque cause que ce soit.

ARTICLE 76[modifier]

Comme aussy, ceux qui pendant ledit temps auroient esté receus à foy et hommage par lesdits Seigneurs roys, ou leurs Officiers ayant pouvoir, à cause d’aucuns fiefs et seigneuries tenues et mouvantes des villes, chasteaux, et lieux possedez par lesdits Seigneurs Roys audit pays, et d’iceux auroient payé les droits seigneuriaux, ou en auroient obtenu don et remission, ne pourront estre inquietez ni troublez, pour raison desdits droits et devoirs, mais demeureront quittes, sans qu’on en puisse rien demander.

ARTICLE 77[modifier]

En cas que ledit Seigneur Duc Charles de Lorraine ne veuille pas accepter et ratifier ce dont les deux Seigneurs Roys ont convenu, pour ce qui regarde ses interests, en la maniere qu’il est porté cy-devant ; ou que l’ayant accepté il manquast à l’advenir à l’execution et accomplissement du contenu au present Traitté ; Sa Majesté Tres-Chrestienne, au premier cas, que ledit Seigneur Duc n’accepte pas ledit Traité, ne sera obligée à executer de sa part aucun des articles dudit Traité, sans que pour cette raison il puisse estre dit ny censé qu’Elle y ait en rien contrevenu : Comme aussy, au second cas que ledit Seigneur Duc, après avoir accepté les conditions susdites, manquast à l’advenir de sa part à leur execution, Sadite Majesté s’est reservée et reserve tous les droits qu’Elle avoit acquis sur ledit Estat de Lorraine par divers Traitez faits entre le feu Roy son pere, d’heureuse memoire, et ledit Seigneur Duc, pour poursuivre lesdits droits en telle maniere qu’Elle verra bon estre.

ARTICLE 78[modifier]

Sa Majesté Catholique consent que Sa Majesté Tres-Chrestienne ne soit obligée au rétablissement cy-dessus dit dudit Seigneur Duc Charles de Lorraine, qu’après que l’Empereur aura approuvé et ratifié par un Acte authentique, qui sera livré à Sa Majesté Tres-Chrestienne, tous les articles stipulez à l’égard dudit Seigneur Duc Charles de Lorraine, dans le present Traité, sans nul excepter, et s’oblige mesme Sadite Majesté Catholique, de procurer auprés de l’Empereur, la prompte expedition et delivrance dudit Acte. Comme aussy en cas qu’il se trouve que des Estatz, pays, villes, terres ou seigneuries qui demeurent à Sa Majesté Tres-Chrestienne en propre par le present Traité, de ceux ou celles qui appartenoient cy-devant aux Ducs de Lorraine, il y en eust qui fussent fiefs, et relavassent de l’Empire, pour raison de quoy Sa Majesté eust besoin et desirast d’en estre investie, Sa Majesté Catholique promet de s’employer sincerement et de bonne foy auprès de l’Empereur, pour faire accorder lesdites Investitures audit Seigneur Roy Tres-Chrestien, sans delay ny difficulté.

ARTICLE 79[modifier]

Monsieur le Prince de Condé ayant fait dire à Monsieur le Cardinal Mazarin, Plenipotentiaire du Roy Tres-Chrestien son souverain Seigneur, pour le faire sçavoir à Sa Majesté, qu’il a une extréme douleur d’avoir depuis quelques années tenu une conduite qui a esté desagreable à Saditte Majesté, qu’il voudroit pouvoir racheter de la meilleure partie de son sang, tout ce qu’il a commis d’hostilité dedans et hors de la France, à quoy il proteste que son seul malheur l’a engagé plutôt qu’aucune mauvaise intention contre son service ; et que si Sa Majesté a la generosité d’user envers luy de sa bonté Royale, oubliant tout le passé, et le retenant en l’honneur de ses bonnes grâces, il s’efforcera tant qu’il aura de vie, de recognoistre ce bienfait par une inviolable fidelité, de reparer le passé par une entiere obeissance à tous ses commandements : Et que cependant pour commencer à faire voir par les effets qui peuvent estre presentement en son pouvoir, avec combien de passion il souhaite de rentrer en l’honneur de la bienveillance de Sa Majesté ; il ne pretend rien en la conclusion de cette paix, pour tous les interests qu’il y peut avoir, que de la sule bonté et du propre mouvement dudit Seigneur Roy son Souverain Seigneur ; et desire mesme qu’il plaise à Sa Majesté de disposer pleinement et selon son bon plaisir en la maniere qu’Elle voudra, de tous les desdommagements que le Seigneur Roy Catholique voudra luy accorder, et luy a desja offert, soit en Estatz et pays, soit en places ou en argent, qu’il remet tout aux pieds de Sa Majesté : En outre, qu’il est prest de licentier et congedier toutes ses Troupes, et de remettre au pouvoir de Sa Majesté, les places de Rocroy, le Castelet, et Linchamp, dont les deux premieres lui avoient esté remises par Sadite Majesté Catholique : et qu’aussy tost qu’il en aura pû obtenir la permission, il envoyera une personne expresse audit Seigneur Roy son Souverain Seigneur, pour luy protester encore plus precisément tous ces mesmes sentiments, et la verité de ses soubmissions, donner à Sa Majesté tel acte ou escrit signé de luy, qu’il plaira à Sa Majesté, pour assurance qu’il renonce à toutes Ligues, Traitez et Associations qu’il pourroit avoir faites par le passé avec Sa Majesté Catholique : et qu’il ne prendra ny recevra à l’advenir aucun establissement, pension ny bienfait d’aucun Roy ou Potentat Estranger : Et enfin, que pour tous les interestz qu’il peut avoir, en quoy qu’ils puissent consister, il les remet entierement au bon plaisir et disposition de Sa Majesté, sans pretention aucune. Sadite Majesté Tres-Chrestienne ayant été informée de tout ce que dessus par sondit Plenipotentiaire, et touchée de ce proceder et soubmission dudit Seigneur Prince, a condescendu et consenty que ses interestz soient terminez dans ce Traité, en la maniere qui suit, accordée et convenue entre les deux Seigneurs Roys.

ARTICLE 80[modifier]

Premierement, Que ledit Seigneur Prince desarmera au plus tard dans huit semaines à compter depuis le jour et date de la signature du present Traité, et licentiera effectivement toutes les Troupes, tant de Cavallerie que d’infanterie, françoises ou estrangeres, qui composent le corps d’armée qu’il a dans les Pays-Bas, et cela en la maniere qu’il plairra à Sa Majesté Tres-Chrestienne luy ordonner ; à la reserve des garnisons de Rocroy, le Catelet et Lichamp, lesquelles seront licentiées au temps de la restitution desdites trois places : Et sera ledit desarmement et licentiement fait par ledit Seigneur Prince, réellement et de bonne foy sans transport, prest ny vente, vraye ou simulée, à d’autres Princes et Potentatz quelz qu’ilz puissent estre Amis ou Ennemis de la France, ou de ses Alliez.

ARTICLE 81[modifier]

En second lieu, que ledit Prince envoyant une personne expresse à Sa Majesté pour luy confirmer plus particulierement toutes les choses cy-dessus dites en son nom, donnera un Acte signé de Luy à Sadite Majesté, par lequel il se soubmettra à l’execution de ce qui a esté arresté entre les deux Seigenurs Roys, pour le regard de sa personne et de ses interests, et pour les personnes et interests de ceux qui l’ont suivi : Et en conséquence declarera qu’il se depart sincerement et renonce de bonne foy à toutes Ligues, Intelligences et Traitez d’association, ou de protection, qu’il a pû faire et contracter avec Sa Majesté Catholique, ou quelconques autres Roys, Potentatz, ou Princes Estrangers, et autres telles Personnes que ce puisse estre, tant au dedans que hors le Royaume de France ; avec promesse de ne prendre ny recevoir en aucun temps à l’advenir, desdits Roys ou Potentatz Estrangers, aucunes pensions, ny establissemens, ny bienfaits qui l’obligent à avoir dépendance d’eux, ny aucun attachement à quelqu’autre Roy, ou Potentat, qu’à Sa Majesté son Souverain Seigneur ; à peine, en cas de contravention audit escrit, d’estre décheu dés-lors de la rehabilitation et restablissement qui luy sont accordez par le present Traité, et de retourner au mesme estat qu’il estoit à la fin du mois de Mars de la presente année.

ARTICLE 82[modifier]

En troisiesme lieu, que ledit Seigneur Prince en execution de ce qui a esté cy-devant arresté et convenu entre les deux Seigneurs Roys remettra réellement et de fait entre les mains de Sa Majesté Tres-Chrestienne, les places de Rocroy, le Castelet et Linchamp, au temps et jour qui sera dit cy-après dans un autre Article de ce même Traitté.

ARTICLE 83[modifier]

Moyennant l’execution de ce que dessus, Sa Majesté Tres-Chrestienne, en contemplation de la paix, et en considération des offices de Sa Majesté Catholique, usant de sa clemence Royale, recevra sincerement et de bon cœur, ledit Seigneur Prince en ses bonnes graces, luy pardonnera, et oubliera avec la mesme sincerité tout ce qu’il a par le passé fait et entrepris contre son service, soit dedans ou hors le Royaume, trouvera bon qu’il revienne en France, mesme où sera la Court de Sa Majesté : Ensuite de quoy Sadite Majesté remettra et rétablira ledit Seigneur Prince réellement et de fait, en la libre possession et jouissance de tous ses biens, honneurs, dignitez et privileges de premier Prince de son sang ; sans neantmoins, pour ce qui regarde lesdits biens, de quelque nature qu’ils soient, que ledit Seigneur Prince puisse jamais rien pretendre pour le passé, à la restitution des fruits desdits biens, quelques personnes qui en ayent jouy par ordre de Sa Majesté, ny au payement et restitution de ses pensions, appointemens, ou autres rentes et revenus qu’il avoit sur les domaines, fermes ou receptes generales dudit Seigneur Roy ; non plus que pour raison, ou sous pretexte de ce qu’il peuvoit pretendre lui estre deu par Sa Majesté avant sa sortie du Royaume, ny pour les démolitions, degradations, ou dommages faits par les ordres de Sa Majesté, ou autrement, en quelque manière que ce soit, dans ses biens, villes, places fortifiées, seigneuries, chasteaux, terres et maisons dudit Seigneur Prince.

ARTICLE 84[modifier]

Et pour ce qui regarde les charges et gouvernemens de Provinces, ou de places, dont ledit Seigneur Prince estoit pourveu, et qu’il possédoit avant sa sortie de France, Sa Majesté Tres-Chrestienne auroit longtemps constamment refusé de l’y restablir, jusqu’à ce que estant touchée du procedé et de la soubmission cy-dessus dit dudit Seigneur Prince, quand il a remis pleinement à son bon plaisir et disposition, tous ses interestz, sans pretention aucune, et tout ce qui lui estoit offert par Sa Majesté Catholique pour son dédommagement ; Sadite Majesté Tres-Chrestienne s’est enfin portée à luy accorder ce qui ensuit, à certaines conditions cy-après spécifiées, dont lesdits Seigneurs Roys ont convenu, et ainsi accordé : sçavoir est, que moyennant que ledit Seigneur Roy Catholique de sa part (au lieu de ce qu’il avoit intention de donner audit Seigneur Prince, pour dédommagement) tire la garnison Espagnole qui est dans la ville, place et citadelle de Julliers, à M. le Duc de Neubourg, aux conditions et en la maniere qui sera plus particulierement cy-aprés specifiée dans un autre article du present Traité. Comme aussy, moyennant que Sadite Majesté Catholique, outre ladite sortie de la garnison Espagnolle des ville et citadelle de Julliers, mette entre les mains de Sa Majesté Tres-Chrestienne, la ville et place d’Avennes, située entre Sambre et Meuse, avec les appartenances, dépendances, annexes et domaines, en la maniere que Sadite Majesté Catholique s’y est cy-dessus obligée par un article dudit present Traité. (Laquelle place d’Avennes Sadite Majesté avoit aussy entre autres choses intention de donner audit Seigneur Prince) moyennant ce que dessus, comme il est dit, c’est à dire en compensation de ladite remise et cession d’une desdites places faites audit Seigneur Roy Tres-Chrestien, pour estre unie et incorporée à jamais à la Couronne de France, et de la sortie de la garnison Espagnolle de l’autre, en faveur d’un Prince Amy et Allié de Sa Majesté Tres-Chrestienne, qu’Elle a desiré d’obliger en vertu du Traité de ladite Alliance : Sadite Majesté Tres-Chrestienne, pour toutes choses generalement quelconques, qui peuvent concerner les charges et gouvernemens que ledit Seigneur Prince avoit possedez, ou que pouvoient avoir lieu d’esperer ceux qui luy appartiennent, sans nul excepter donnera audit Seigneur Prince le gouvernement de la province de Bourgogne et Bresse, soubz lesquels s’entendent compris le Pays de Bugey, Gex et Valromay ; comme aussy luy donnera les gouvernemens particuliers du Chasteau de Dijon, et de la Ville de Saint-Jean-de-Laune : et à Monsieur le Duc d’Anghien son Filz, la charge de Grand Maistre de France et de sa Maison ; avec des brevets d’asseurance audit Seigneur Prince, pour la conserver, en cas que ledit Seigneur Duc d’Anghien vinst à deceder devant Luy.

ARTICLE 85[modifier]

Sadite Majesté fera expedier ses lettres patentes d’abolition en bonne forme, de tout ce que ledit Seigneur Prince, ses parens, serviteurs, amys, adherans et domestiques, soit eclesiastiques ou seculiers, ont et peuvent avoir fait ou entrepris par le passé contre son service, en sorte qu’il ne luy puisse jamais, ny à eux, nuire ny préjudicier en aucun temps, ny à leurs heritiers, successeurs et ayans cause, non plus que s’il n’estoit jamais avenu ; et ne fera jamais Sadite Majesté en aucun temps, aucune recherche envers ledit Seigneur Prince, ny les siens, ny envers ses serviteurs, amis, adherans et domestiques, soit eclesiastiques ou seculiers, des deniers que Luy ou eux ont pris dans les receptes generales ou particulieres, ou dans les bureaux de ses fermes : Et ne les obligera à aucune restitution desdits deniers, ny de toutes levées de contributions, impositions, exactions sur le peuple, et actes d’hostilité commis dans la France, en quelque maniere que ce puisse estre : ce qui sera plus particulierement contenu dans lesdites Lettres d’abolition, pour l’entiere seureté dudit Seigneur Prince, et de ceux qui l’ont suivi, de n’en pouvoir jamais estre recherchez ny inquietez.

ARTICLE 86[modifier]

Après que ledit Seigneur Prince aura satisfait de sa part, au contenu dans les trois Articles 80, 81 et 82 du present Traité, tous Duchez, Comtez, terres, seigneuries et domaines, mesme ceux de Clermont, Stenay et Dun, comme il les avoit avant sa sortie de France, et celuy de Jametz aussi, en cas qu’il l’ayt eu, lesquels appartenoient cy-devant audit Seigneur Prince : ensemble tous et quelconques ses autres biens, meubles et immeubles, de quelque qualité qu’ils soient, en la maniere cy-dessus dite luy seront restituez réellement et de fait, ou à ceux que ledit Seigneur Prince, estant en France, commettra et deputera pour prendre en son nom la possession desdits biens, et le servir en leur administration. Comme aussi luy seront restituez, ou à sesdits deputez, tous les titres, enseignements, et autres escritures delaissées au temps de sa sortie du Royaume, dans les maisons de sesdites terres et seigneuries, ou ailleurs ; et sera ledit Seigneur Prince reintegré en la vraye et réelle possession et jouissance de sesdits Duchez, Comtez, terres, seigneuries et domaines, avec tels droits, authorité et justice, chancellerie, cas Royaux, greniers, presentations et collations de benefices, nominations d’offices, graces et preeminences, dont Luy et ses predecesseurs ont jouy, et comme il en jouissoit avant sa sortie du Royaume : (Bien entendu qu’il laissera Bellegarde et Montrond en l’estat qu’ils se trouvent à present.) Surquoy luy seront despechez, en aussi bonne forme qu’il le desirera, toutes Lettres patentes de Sa Majesté à ce necessaires, sans qu’il puisse estre troublé, poursuivi, ny inquieté en ladite possession et jouissance, par ledit Seigneur Roy, ses Hoirs, Successeurs, ou ses Officiers, directement ny indirectement, nonobstant quelconques donations, unions, ou incorporations, qui pourroient avoir esté faites desdits Duchez, Comtéz, terres, seigneuries et domaines, biens, honneurs, dignitez, et prérogatives de premier Prince du sang, et quelconques clauses dérogatoires, constitutions, et ordonnances à ce contraires. Comme aussy ledit Seigneur Prince, ny ses Hoirs et Successeurs, pour raison des choses qu’il peut avoir faites, soit en France, y estant, soit hors du Royaume, aprés sa sortie, ny pour quelconques Traitez, intelligences ou diligences par luy faites et eues avec quelconques Princes et personnes, de quelque estat et qualité qu’ils soient, ne pourront estre molestez ny inquietez, ny tirez en cause : mais toutes procedures, arrests, mesme celuy du Parlement de Paris du 27 Mars de l’année 1654, jugements, sentences, et autres actes, qui déjà auroient été faitz contre ledit Seigneur Prince, tant en matiere civile que criminelle, si ce n’est qu’en matiere civile il ayt volontairement contesté, demeureront nulles et de nulle valeur, et n’en sera jamais fait aucune poursuite, comme si jamais ils ne fussent advenus. Et à l’esgard du Domaine d’Albret, dont ledit Seigneur Prince jouissoit avant sa sortie de France, et duquel Sa Majesté a depuis disposé autrement, Elle donnera audit Seigneur Prince le Domaine du Bourbonnois, aux conditions que l’eschange desdits deux Domaines avoit déjà esté ajusté avant que ledit Seigneur Prince sortist du Royaume.

ARTICLE 87[modifier]

Quant aux parens, amis, serviteurs, adherans et domestiques dudit Seigneur Prince, soit eclesiastiques ou seculiers, qui ont suivi son parti, ils pourront en conséquence des pardons et abolitions cy-dessus dits, en l’Article 85e, revenir en France avec ledit Seigneur Prince, et establir leur sejour en tel lieu qu’ils desireront, et seront restablis comme les autres sujetz des deux Seigneurs Roys, en la paisible possession et jouissance de leurs biens, honneurs et dignitez, à l’exception et reserve des charges, offices et gouvernemens qu’ils possedoient avant leur sortie du Royaume, pour jouir par eux desdits biens, honneurs et dignitez, ainsi qu’ilz les tenoient et possedoient ; sans pouvoir néantmoins pretendre aucune restitution des jouissances du passé, soit de ceux à qui Sa Majesté en auroit fait don, soit en quelqu’autre maniere que ce soit ; comme pareillement seront restablis en leurs droits, noms, raisons, actions, successions et heritages à eux survenus, ou aux enfants et veuves des desfunts, pendant leur absence du Royaume, comme aussy leurs meubles delaissez leur seront restituez, s’ils se trouvent en nature : Et Sa Majesté, en contemplation de la paix, déclare nulle et de nulle valeur et effet (hors pour le regard de leursdites charges, offices et gouvernemens) toutes procedures, arrestz, mesme celui du Parlement de Paris du 27e Mars 1654, sentences, jugemens, adjudications, donations, incorporations, et autres actes, qui contre eux ou leurs heritiers, pourroient avoir esté faits, pour raison d’avoir suivi le Parti dudit Seigneur Prince, et ce tant en matiere civile que criminelle, si ce n’est en matiere civile, qu’ils ayent volontairement contesté, sans qu’eux ny leurs hoirs, puissent jamais en estre recherchez, troublez ou inquietez. Sur toutes lesquelles choses cy-dessus dites, Sa Majesté Tres-Chrestienne fera expedier, tant audit Seigneur Prince, qu’à ses parents, serviteurs, amis, adherans et domestiques, soit eclesiastiques, ou seculiers, toutes Lettres patentes necessaires, contenans ce que dessus, en bonne et seure forme ; lesquelles Lettres patentes leur seront remises, quand ledit Seigneur Prince aura accomply de sa part, le contenu aux trois articles 80, 81 et 82 du present Traité.

ARTICLE 88[modifier]

En conformité de ce qui est contenu en l’Article 84 du present Traité, par lequel Sa Majesté Tres-Chrestienne s’oblige de donner audit Seigneur Prince de Condé et audit Seigneur Duc d’Anghien, son Filz, les gouvernements et la charge qui y sont specifiez ; Sa Majesté Catholique promet et s’oblige de sa part, en foy et parole de Roy, de faire sortir de la ville, citadelle ou chasteau de Julliers, la garnison Espagnolle qui est dans ladite ville, citadelle ou chasteau, et les autres troupes qui y auroient entré depuis peu, ou y pourroient de nouveau entrer, pour renforcer la garnison, laissant dans ladite ville et citadelle l’artillerie qui sera marquée aux armes de la maison de Cleves, ou de Julliers, ou qui luy aura appartenu : et pour le reste de ladite artillerie, armes, munitions et instrumens de guerre, que Sadite Majesté a dans ladite ville, citadelle ou chasteau de Juliers à M. le Duc de Neubourg, ou à ceux qui auront charge de luy de la recevoir, en la mesme qualité qu’il a la possession de l’Estat de Juliers : Ledit Seigneur Duc mettant auparavant entre les mains de Sa Majesté Catholique, un Escrit en bonne forme, signé de sa main, et à la satisfaction de Sadite Majesté Catholique, par lequel il s’oblige de ne pouvoir vendre, aliener ny engager autres Princes ou personnes particulières, et qu’il n’y mettra, ny establira aucune garnison que de ses propres forces. Comme aussy d’accorder à Sadite Majesté Catholique, quand elle en aura besoin, le passage de ses troupes, soit par ladite ville soit par l’Estat de Juliers ; Sadite Majesté payant à ses frais la dépense des passages desdites troupes, qui se feront à journées reglées et marches raisonnables, sans pouvoir sejourner dans le pays ; et ledit Seigneur Duc prenant en telles occasions les precautions necessaires pour la seureté de ladite ville et citadelle : Et en cas que ledit Seigneur Duc manquast d’accomplir ce à quoy il se sera obligé, tant de n’aliener, que de ne mettre aucune autre garnison dans ladite place et citadelle que la sienne propre, ou qu’il refusast de donner passage aux troupes de Sa Majesté Catholique, en payant ; ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien promet, en foy et parole de Roy, de ne point afficher ledit Seigneur Duc, d’argent, ny de gens de guerre, ny en aucune autre maniere, par soy-même, ou par personnes interposées, pour soutenir ladite contravention ; et qu’au contraire, il donnera ses propres forces, s’il est necessaire, pour l’accomplissement de ce qui a esté dit cy-dessus.

ARTICLE 89[modifier]

Il a esté expressément convenu et arresté entre lesdits Plenipotentiaires, que les reservations contenues aux Articles 21 et 22 du Traité de Vervins, auront leur plein et entier effet, sans qu’on puisse apporter aucune explication contraire à leur veritable sens : et en consequence d’Icelles, qu’audit Seigneur Roy Tres-Chrestien, de France et de Navarre, ses successeurs, et ayans cause, sont reservez, nonobstant quelque prescription ou laps de temps que l’on peust alleguer au contraire, tous les droits, actions, et pretentions qu’il entend luy appartenir, à cause desdits Royaumes, pays et seigneuries, ou autrement ailleurs, pour quelque cause que ce soit ; auxquels n’a esté par luy ou par ses predecesseurs expressément renoncé, pour en faire poursuite par voye amiable et de Justice, et non par les armes.

ARTICLE 90[modifier]

Seront aussy reservez audit Seigneur Roy Catholique des Espagnes, ses successeurs, et ayans cause, nonobstant quelque prescription et laps de temps qu’on pût alleguer au contraire, tous les droits, actions, et pretentions qu’il entend luy appartenir, à cause desdits Royaumes, pays, et seigneuries, ou autrement ailleurs, pour quelque cause que ce soit, auxquelz n’auroit esté par luy, ou par ses predecesseurs Roys expressément renoncé, pour aussy en faire poursuite par voye amiable, et de Justice ; et non par les armes.

ARTICLE 91[modifier]

Comme ledit Seigneur Cardinal Mazarini, Plenipotentiaire de Sa Majesté Tres-Chrestienne, auroit remonstré, que pour mieux parvenir à une bonne paix, il est necessaire que M. le Duc de Savoye, lequel s’est mêlé en cette guerre, joignant ses armes à celles de la Couronne de France, dont il est allié, soit compris au present Traité : Sa Majesté Tres-Chrestienne affactionnant le bien et la conservation dudit Seigneur Duc, comme la sienne propre, pour la proximité du sang et alliance dont il luy appartient : et Sa Majesté Catholique ayant trouvé raisonnable que ledit Seigneur Duc soit compris en cette paix, sur les instances et par l’interposition de Sa Majesté Tres-Chrestienne, il a esté arresté et convenu qu’il y aura à l’advenir cessation de toutes sortes d’actes d’hostilité, tant par mer et autres eaux, que par terre, entre Sa Majesté Catholique, et ledit Seigneur Duc de Savoye, leurs enfans et héritiers, successeurs naiz et à naistre, leurs Estatz, dominations, seigneuries, restablissement d’amitié, navigation et commerce, et bonne correspondance entre les sujets de Sadite Majesté et dudit Seigneur Duc, sans distinction de lieux ny de personnes : et seront lesdits sujetz restablis, sans difficulté ny delay, dans la libre et paisible jouissance de tous les biens, droits, noms, raisons, pensions, actions, immunitez et privileges, de quelque nature qu’ils soient, qu’ils possedoient dans les Estatz de l’un et de l’autre, avant la presente guerre, ou qui leur seroient escheux pendant qu’elle a duré, et qui leur auroient esté saisis à l’occasion d’Icelle ; sans pouvoir neantmoins pretendre ny demander aucune restitution des jouissances du passé, pendant ladite guerre.

ARTICLE 92[modifier]

En consequence de ladite paix, et en consideration des offices de Sa Majesté Tres-Chrestienne, ledit Seigneur Roy Catholique restituera audit Seigneur Duc de Savoye, réellement et de fait, la ville, place et chasteau de Verceil, et tout son territoire, appartenances, dépendances et annexes, sans qu’on puisse rien y démolir, ny endommager des fortifications qui y ont été faites, et au mesme estat, pour l’artillerie, munitions de guerre, vivres et autres choses, qu’estoit ladite place, lors que ledit Verceil fut pris parles armes de Sa Majesté Catholique. Et pour le lieu de Cencio dans les Langues, il sera aussi rendu audit Seigneur Duc de Savoye, en l’estat qu’il se trouve presentement, avec ses dépendances et annexes.

ARTICLE 93[modifier]

Quant à la Dot de la feue Serenissime Infante Catherine, pour raison de laquelle il y a différent entre les maisons de Savoye et de Modene ; Sa Majesté Catholique promet et s’oblige de faire payer effectivement à M. le Duc de Savoye, les arrerages qui peuvent estre deus à sa Maison, depuis que ladite Dot fut constituée, jusques au 17 Decembre de l’année 1620, que le feu Duc Charles Emanuel de Savoye donna en appanage ladite Dot au feu Prince Philibert son filz, suivant ce qui sera verifié de cette debte, par les Livres de la chambre Royale du Royaume de Naples. Et pour le payement à l’advenir, du courant de ladite dot, et d’autres arrerages, il en sera usé ainsi qu’il est disposé plus bas par autre Article du present Traité.

ARTICLE 94[modifier]

Et d’autant que les divisions ou pretentions contraires des Maisons de Savoye et de Mantoue ont plusieurs fois excité des troubles dans l’Italie pour les assistances que les deux Seigneurs Roys ont donné en divers temps, chacun à son Allié ; afin de ne laisser à l’advenir aucun sujet ny pretexte, qui puisse de nouveau alterer la bonne intelligence et amitié de leurs Majestez : il a esté convenu et accordé, pour le bien de la paix, que les Traittez faits à Querasque en l’année 1631, sur les différents desdites Maisons de Savoye et de Mantoue, seront executez selon leur forme et teneur : Et Sa Majesté Catholique promet et engage sa foy, et parole Royale, de ne s’opposer jamais, ny faire chose contraire, en aucune maniere, auxdits Traitez, ny à leur execution, pour quelque raison, action et pretexte que ce puisse estre, et de ne donner aucune assistance ny faveur, directement ny indirectement, de quelque sorte que ce soit, à aucun Prince qui voulut contrevenir auxdits Traittez de Querasque : dont Sa Majesté Tres-Chrestienne pourra soustenir l’observation et execution, de son authorité, et s’il est necessaire, de ses armes, sans que Sa Majesté Catholique puisse employer les siennes pour l’empescher : nonobstant le contenu au troisiesme Article du present Traité, auquel il est expressément derogé par celuy-cy, pour ce regard seulement.

ARTICLE 95[modifier]

Comme le different qui reste entre lesdits Seigneurs Ducs de Savoie et de Mantoue, sur la dot de la feue Princesse Marguerite de Savoie, Ayeule dudit Seigneur Duc de Mantoue, n’a pû estre accommodé en diverses conferences, que les Commissaires desdits Seigneurs Ducs ont eu sur cette matiere, tant en Italie qu’en ce lieu-cy, en presence desditz Sieurs Plenipotentiaires de Leurs Majestez, à raison du trop grand esloignement des pretentions de l’un, et des exceptions de l’autre ; en sorte qu’ils n’ont pû convenir avant la conclusion de cette paix, qui n’a pas deu estre retardée pour ce seul interest : Il a esté arresté et accordé, que lesdits Sieurs Ducs deront assembler leurs Commissaires en Italie dans trente jours après la signature de Ce Traité (et plutôt s’il se peut) au lieu qui sera concerté entre le Seigneur Duc de Navailles, et en son absence l’Ambassadeur du Roy Tres-Chrestien en Piedmont, et le Sieur Comte de Fuensaldaña, ou en la maniere qu’ils jugeront plus à propos, afin qu’avec l’intervention des Ministres des deux Seigneurs Roys, qui pourra contribuer beaucoup à faciliter et advancer cet accord, ils travaillent à l’ajustement de cette affaire ; en sorte que dans quarante autres jours depuis qu’ilz seront assemblez, ledit ajustement soit conclu, et que les parties ayent convenu de la somme qui est deue. Et en cas que cette nouvelle conference ne produise pas l’effet qu’on pretend avant le printemps, que les deux Plenipotentiaires des deux Seigneurs Roys, se trouveront encore ensemble en cette mesme Frontière des deux Royaumes : Leurs Majestez alors ayant la connoissance que leur auront donnée leurs Ministres, des raisons de part d’autre, et des expediens qui auront été proposéz, prendront celuy qui leur semblera juste et raisonnable, pour moyenner l’accommodement de cette affaire à l’amiable ; et en sorte que lesdits Seigneurs Ducs puissent et doivent demeurer avec satisfaction commune : Et leursdites Majestez concourront après uniformement, à procurer que ce qu’elles auront determiné s’execute, afin qu’il ne reste aucun motif qui puisse alterer la tranquillité publique d’Italie.

ARTICLE 96[modifier]

Et d’autant que depuis le decedz de feu M. le Duc de Modene, arrivé en Piedmont l’année dernière 1658, sa Majesté Catholique a été informée par ses Ministres en Italie, que M. le Duc de Modene son Successeur, a tesmoigné du desplaisir des choses qui se sont passées durant cette guerre, et avoir ferme intention de rendre Sadite Majesté satisfaite de luy et de ses actions, et de meriter par sa conduite sa bienveillance Royale, ayant fait ledit Seigneur Duc à cette fin divers offices près du Seigneur Comte de Fuensaldana, Gouverneur et Cappitaine general dans l’estat de Milan : en cette consideration, et de l’entremise du Roy Tres-Chrestien, Sa Majesté Catholique reçoit dés à present en sa bonne grace, la personne et Maison dudit Sieur Duc, lequel doresnavant vivra et procedera en bonne et libre neutralité avec les deux Couronnes de France et d’Espagne, et ses Sujets pourront avoir et tenir dans les Estatz de chacune desdites Couronnes, un commerce libre ; et jouiront ledit Seigneur Duc et sesdits Sujets, des rentes et graces qu’ils auroient obtenu, ou pourroient cy-après obtenir de Leurs Majestez, comme ils avoient accoûtumé de jouir, sans difficulté, avant le mouvement des Armes.

ARTICLE 97[modifier]

De la même maniere Sa Majesté Catholique a consenti et accordé, de ne plus envoyer dans la Place de Corregio, la garnison qu’Il avoit accoustumé par le passé d’y tenir ; en sorte que la possession de ladite Place de Corregio, demeure libre de ladite garnison : et mesme, pour plus grande seureté et advantage dudit Seigneur Duc, Sa Majesté Catholique promet de faire des offices tres pressans auprès de l’Empereur, à ce qu’il ait agréable d’accorder audit Seigneur Duc, à sa satisfaction, l’Investiture dudit Estat de Corregio, comme l’avoient les Princes dudit Corregio.

ARTICLE 98[modifier]

Quant à la Dot de la feue Serenissime Infante Catherine, assignée sur la Douane de Foia, dans le Royaume de Naples, en quarante-huit mil ducats de revenu annuel, ou telle autre quantité qui paroistra par les Livres de la Chambre Royale de ce Royaume-là, pour raison de laquelle Dot il y a different entre M. le Duc de Savoye, et M. le Duc de Modene ; Sa Majesté Catholique demeurant d’accord, sans aucune difficulté, de la devoir, et ayant intention de la payer à celuy desdits Seigneurs Ducs, auquel la propriété de ladite Dot sera adjugée par Justice, ou à qui elle demeurera par convention particuliere qu’ils pourroient faire entr’eux. Il a esté accordé et convenu, que Sadite Majesté Catholique remettra presentement les choses concernant ladite Dot, au mesme estat qu’elles estoient lorsque le payement de ladite Dot a cessé de courir, à l’occasion de la prise des Armes ; C’est à dire que si en ce temps là, les deniers de ladite Dot estoient sequestrez, ils le seront encore à l’advenir, jusques à ce que le different desdits Seigneurs Ducs soit terminé par Jugement définitif en Justice, ou par accord entr’eux : Et si au temps susdit, ledit feu Seigneur Duc de Modene se trouvoit en possession de jouir de ladite Dot sans que les deniers en fussent sequestrez, sa Majesté Catholique continuera dés à present à la faire payer audit Seigneur Duc de Modene son fils, tant les arrerages qui se trouveront estre deus par le passé, que le courant, à l’advenir, du revenu de ladite Dot ; rabatant neantmoins sur lesdits arrerages, toute la jouissance du temps, que la Maison de Modene a eue les Armes à la main contre l’Estat de Milan et en ce dernier cas, demeureront cependant audit Seigneur Duc de Savoye, toutes ses raisons, droits et actions pour les poursuivre en Justice et faire declarer à qui appartient la proprieté de ladite Dot : après lequel Jugement ou convention particuliere, qui pourroit intervenir entre lesdits Seigneurs Ducs, Sa Majesté payera, sans difficulté, le revenu de ladite Dot à celuy d’entr’eux à qui elle se trouvera appartenir par sentence définitive en Justice, ou par accommodement volontaire fait entre lesdits deux Seigneurs Ducs de Savoye et de Modene.

ARTICLE 99[modifier]

Et d’autant que les deux Seigneurs Roys ont consideré que les differens des autres Princes leurs Amis et adherans, les ont souvent tirez malgré eux, et les Roys leurs Predecesseurs de glorieuse Memoire, à la prise des Armes : Leurs Majestez desirans autant qu’il est en leur pouvoir, d’oster par la presente paix, en toutes parts, les moindres sujets de dissention, afin d’en mieux raffermir la durée, et notamment le repos de l’Italie, qui a souvent esté troublé par des differens particuliers arrivez entre les Princes qui y possedoient des estats : les deux Seigneurs Roys ont convenu et accordé, qu’ils interposeront de concert, sincérement et pressamment, leurs offices et supplications auprés de Notre Saint Pere le Pape, jusqu’à ce qu’ils ayent pû obtenir de sa Sainteté, qu’Elle ayt eu agreable de faire terminer sans délay, par accord ou par Justice, le different que ledit Sieur duc de Modene a depuis si longtemps avec la Chambre Apostolique, touchant la propriété et la possession des Vallées de Comachio : se promettans lesdits seigneurs Roys, de la souveraine équité de sa Sainteté, qu’Elle ne refusera pas la juste satisfaction qui sera deue à un Prince, dont les ancestres ont tant merité du Saint Siege, et lequel dans un tres-considerable interest, a consenty jusques icy, de prendre ses parties mesmes pour ses Juges.

ARTICLE 100[modifier]

Lesdits Seigneurs Roys, par la mesme consideration d’arracher la semence de tous les differens qui pourroient troubler le repos de l’Italie, ont aussy convenu et accordé qu’ilz interposeront, de concert, sincérement et pressamment, leurs offices et leurs supplications auprès de Notre Saint Pere le Pape, jusqu’à ce qu’ils ayent pû obtenir de sa Sainteté, la grace que leurs Majestez luy ont assez souvent demandée separément, en faveur de M. le Duc de Parme, à ce qu’il ayt la faculté d’acquitter en divers intervalles convenables de temps, la debte qu’il a contractée envers la Chambre Apostolique, en la mesme maniere de differens intervalles, et que par ce moyen, et avec l’engagement ou l’alienation de partie de ses Estats de Castro et de Ronciglione, il puisse trouver l’argent qui lui est necessaire pour se conserver la possession du reste desdits Étatz : ce que leurs Majestez esperent de la bonté de sa Sainteté, non moins pour le desir qu’Elle aura de prévenir toutes les occasions de discorde dans la Chrestienté, que de sa disposition à favoriser une Maison qui a tant merité du Saint Siege Apostolique.

ARTICLE 101[modifier]

Lesdits Seigneurs Roys estimans ne pouvoir mieux recognoistre envers Dieu la grace qu’ils ont receue de sa seule souveraine bonté, qui leur a inspiré les desirs, et ouvert les moyens de se pacifier ensemble, et de donner le repos à leurs peuples, qu’en s’appliquant et travaillant de tout leur pouvoir, à procurer et conserver le mesme repos à tous les autres etatz Chrestiens, dont la tranquillité est troublée, ou est à la veille de s’alterer ; leurs Majestez voyant, avec grand déplaisir, la disposition presente de l’Allemagne, et des autres Pays du Nord, où la guerre est allumée, et qu’elle peut encore s’enflammer dans l’Empire par les divisions de ses Princes et Estats ; ont convenu, demeuré d’accord, et resolu d’envoyer dans délay leurs Ambassadeurs, ou faire agir ceux qu’ils ont desjà dans l’Empire, de commun concert, pour ménager à leur nom et par leur entremise, un bon et prompt accommodement, tant de tous les differens qui peuvent troubler le repos de l’Empire, que de ceux qui depuis quelques années ont causé la guerre dans les autres parties du Nort.

ARTICLE 102[modifier]

Et d’autant que l’on apprend, que nonobstant l’accommodement qui fut fait il y a quelques années, des divisions survenues alors, entre les Cantons des Ligues de Suisses Catholiques et Protestans, il reste encore soubz la cendre des étincelles de ce feu, qui pourroient, si on ne les esteint entierement, se renflammer ; et causer de nouveaux troubles et dissentions entre ces peuples-là alliez avec les deux Couronnes ; les deux Seigneurs Roys ont jugé nécessaire de s’appliquer de leur part, à la prevention de ce danger, autant qu’il sera en leur pouvoir, avant que les choses empirent. Partant il a esté accordé et convenu entre leurs Majestez, qu’elles envoyeront sur ce sujet des Ministres particuliers, chacun aux Cantons de ses Alliances (si ce n’est qu’ilz jugent que ceux qu’ils y tiennent d’ordinaire, suffisent pour la fin qu’il se proposent) avec ordre, qu’après s’estre exactement informez des motifs et causes qui donnent lieu à la mesintelligence et desunion de ladite nation, ilz s’assemblent et travaillent uniformement et de concert, à y procurer la concorde, et à faire que toutes choses y retournent à la paix, au repos et à la fraternité, avec laquelle lesdits Cantons avoient accoustumé de vivre ensemble par le passé : faisant entendre à leurs superieurs la satisfaction que leurs Majestez en recevront, pour l’affection qu’Elles portent à leurs Estasts, et combien ce restablissement d’union leur sera agreable, pour le desir qu’Elles ont de leur bien, et de la tranquillité publique.

ARTICLE 103[modifier]

Les differens survenus aux pays des Grisons, sur le fait de la Valteline, ayans diverses fois obligé les deux Roys, et plusieurs autres Princes, de prendre les armes : pour éviter qu’à l’advenir ils ne puissent alterer la bonne intelligence de leurs Majestez, il a esté accordé, que dans six mois après la publication du present Traité, et après qu’on aura esté informé de part et d’autre, de l’intention des Grisons, touchant l’observation des Traitez cy-devant faits ; il sera convenu amaiblement, entre les deux Couronnes, de tous les interestz qu’elles peuvent avoir en cette affaire, et que pour cet effet chacun desdits Seigneurs Roys donnera pouvoir suffisant d’en traiter, à l’Ambassadeur qu’il envoyera à la Court de l’autre après la publication de la paix.

==ARTICLE 104==

M. le Prince de Monaco sera remis sans délay, en la paisible possession de tous les biens, droitz et revenus qui luy appartiennent, et dont il jouissait avant la guerre, dans le Royaume de Naples, Duché de Milan, et autres de l’obéissance de Sa Majesté Catholique, avec liberté de les aliener comme bon luy semblera : par vente, donation, ou autrement : sans qu’il puisse estre troublé ny inquieté en la jouissance d’Iceux, pour s’estre mis soubz la protection de la Couronne de France, ny pour quelque autre sujet ou pretexte que ce soit.

ARTICLE 105[modifier]

Il a esté pareillement accordé et convenu, que Sa Majesté Catholique payera comptant à la dame Duchesse de Chevreuse, la somme de cinquante-cinq mille Philippes, de dix Reaux piece, qui valent cent soixante-cinq mille livres, monnoye de France, et ce pour le prix des Terres et Seigneuries de Kerpein et Lommersein, avec les aydes et dépendances desdites Terres, que ladite Duchesse avoit acquises de Sa Majesté Catholique, suivant les Lettres patentes de Saditte Majesté, du deuxième Juin 1646 ; desquelles Terres et Seigneuries, ladite Dame a esté depuis depossedée par les Ministres de Sa Majesté Catholique, à l’occasion de la presente guerre, et Sadite Majesté en a disposé en faveur de M. l’Electeur de Cologne. Et se fera ledit payement de cinquante-cinq mille Philippes, de dix Reaux piece, par Sa Majesté Catholique, à la Dame Duchesse de Chevreuse, en deux termes, le premier dans six mois, à compter du jour et datte des presentes, et le second six mois après, en sorte que dans un an elle ait receu toute la somme.

ARTICLE 106[modifier]

Tous les prisonniers de Guerre, de quelque condition et nation qu’ils soient, estans detenus de part et d’autre, seront mis en liberté, payant leurs despenses, et ce qu’ils pourroient d’ailleurs justement devoir, sans estre tenus de payer aucune rançon, si ce n’est qu’ils en ayent convenu : auquel cas les Traitez faits avant ce jour seront executez selon leur forme et teneur.

ARTICLE 107[modifier]

Tous autres Prisonniez et Sujetz desdits Seigneurs Roys, qui par la calamité de Guerre, pourroient estre detenus aux Galeres de leurs Majestez, seront promptement delivrez et mis en liberté, sans aucune longueur, pour quelque cause et occasion que ce soit, et sans qu’on leur puisse demander aucune chose pour leur rançon, ou pour leur despense. Comme aussy seront mis en liberté, en la mesme maniere, les soldats françois qui se trouveront estre prisonniers dans les places que Sa Majesté Catholique possede aux costes d’Afrique ; sans qu’on leur puisse demander, comme il est dit, aucune chose pour leur rançon, ou pour leur despense.

ARTICLE 108[modifier]

Moyennant l’entiere observation de tout ce que dessus, il a esté convenu et accordé, que le Traité fait à Vervins en l’an 1598, et de nouveau confirmé et approuvé par lesdits Plenipotentiaires, en tous ses points, comme s’il estoit inseré icy de mot à mot, et sans innover aucune chose en Iceluy, ny aux autres precedens, qui tous demeureront en leur entier, en tout ce à quoy il n’est point dérogé par le present Traitté.

ARTICLE 109[modifier]

Et pour le regard des choses contenues audit Traité de 1598, et au precedent fait en l’année 1559, qui n’ont esté executez, suivant ce qui est porté par Iceux, l’exécution en serafaite et parachevée, en ce qui reste à exécuter : Et pour cet effet, seront deputez Commissaires de part et d’autres, dans deux mois, avec pouvoir suffisant pour pouvoir convenir ensemble dans le delay qui sera accordé d’un commun consentement, de toutes les choses qui seront à executer, tant pour ce qui concerne l’interest desdits Seigneurs Roys, que pour celuy des communautez et particuliers leurs Sujets, qui auront à faire quelques demandes ou plaintes d’un costé ou d’autre.

ARTICLE 110[modifier]

Lesdits Commissaires travailleront aussy, en vertu de leursdits pouvoirs, à regler les limites, tant entre les estatz et pays qui ont appartenu d’ancienneté auxdits Seigneurs Roys, pour raison desquels il y a eu quelque contestation, qu’entre les estats et seigneuries qui doivent demeurer à chacun d’eux, par le present Traité, dans les Pays-Bas : Et sera particulierement faite par lesdits Commissaires, la separation des Chastellenies, et autres Terres et seigneuries, qui doivent demeurer audit Seigneur Roy Tres-Chrestien, d’avec les autres Chastellenies, Terres et seigneuries qui demeureront audit Roy Catholique ; en sorte qu’il ne puisse arriver cy aprés de contestation pour ce sujet ; et que les habitans et sujets de part et d’autre, ne puissent estre inquietez. Et en cas qu’on ne puisse s’accorder sur le contenu au present Article et au precedent, il sera convenu d’arbitres, lesquels prendront cognoissance de tout ce qui sera demeuré indécis entre lesdits Commissaires ; et les Jugemens qui seront rendus par lesdits arbitres seront executez de part et d’autre, sans aucune longueur ny difficulté.

ARTICLE 111[modifier]

Pour la satisfaction et payement de ce qui se peut devoir de part ou d’autre ; pour les rançons des prisonniers de guerre, et pour les despenses qu’ilz ont faites durant leur prison, depuis la naissance de cette guerre jusqu’au jour de la presente paix, en conformité des Traitez qui ont esté faits d’eschanges desdits prisonniers, et nommement celuy de l’année 1646, qui se fit à Soissons, le marquis de Castel-Rodrigo estant gouverneur des Pays-Bas, il a esté convenu et accordé, que l’on payera comptant presentement de part et d’autre, les despences des prisonniers qui sont desja sortis ou doivent sortir, en vertu de la presente paix, sans rançon ; et qu’à l’esgard des autres prisonniers qui sont sortis, en vertu des Traitez particuliers d’eschanges qui ont esté faits pendant la guerre, avant ledit present Traité, il sera nommé des Commissaires de part et d’autre, un mois aprés l’eschange des ratifications du present Traité, lesquels s’assembleront dans le lieu dont on conviendra, du costé des Flandres ; où l’on portera aussy les comptes touchant les prisonniers qui ont esté faits aux Royaumes de Naples et de Sicile, et leurs dépendances, dans l’Estat de Milan et le Piedmont, dans la Principauté de Catalogne et Comtez de Roussillon et de Cerdaña, et autres endroitz d’Espagne, outre ce qui regarde les frontieres de France, avec les Pays-Bas : et les comptes estans par eux ajustez et arrestez, tant de leurs despences pour leur nourriture, que pour leurs rançons, en la maniere qui a esté pratiquée aux autres Traitez de cette nature ; celuy des deux Seigneurs Roys, qui se trouvera par l’arresté desdits comptes estre debiteur de l’autre, s’oblige de payer comptant, de bonne foy et sans delay, à l’autre desdits Seigneurs Roys, les sommes d’argent dont il sera demeuré debiteur envers luy, pour les despences et rançons desdits prisonniers de guerre.

ARTICLE 112[modifier]

Comme il pourra arriver que les personnes particulieres interessées des deux costez, en la restitution des biens dans la jouissance et propriété desquelz ilz doivent rentrer, en vertu du present Traité, rencontrent soubz divers pretextes, des difficultez et de la resistance en leur establissement, de la part de ceux qui sont aujourd’hui en possession desdits biens, ou qu’il naisse d’autres embarras à l’entiere execution de ce qui a esté dit ci-dessus : il a esté convenu et accordé, que lesdits Seigneurs Roys deputeront chacun un de leurs Ministres en la Court de l’autre, et en d’autres endroits s’il est nécessaire, afin que entendans conjointement au lieu où s’assembleront lesdits Ministres, les personnes qui s’adresseront à eux sur cette matiere, et prenans cognoissance du contenu aux Articles de ce Traité, et de ce que les parties leur representeront, ils declarent ensemble de bon accord, briefvement et sommairement, sans autre forme de Justice, ce qui devra estre executé, donnant l’Acte et instrument necessaire de leur declaration ; lequel Acte devra estre accompli, sans admettre ny laisser lieu à aucune contradiction ou replique.

==ARTICLE 113==

L’execution de la presente paix, en ce qui regarde la restitution ou remise des places que les deux Seigneurs Roys se doivent rendre et mettre en main, respectivement l’un à l’autre, ou à leurs Alliez, en vertu et en conformité de ce Traité, se fera au temps et en la maniere suivante.

ARTICLE 114[modifier]

Premierement, sans attendre l’eschange des ratifications du present Traité, afin que les troupes qui composent l’Armée du Roy Tres-Chrestien, et les garnisons des places qu’il tient en Italie, puissent repasser les monts avant que les glaces en bouchent les passages, lesdits deux Plenipotentiaires ont convenu et accordé : qu’ilz se chargent de faire envoyer incessamment par courriers exprés, les ordres de leurs Majestez, respectivement au Seigneur Duc de Navailles et au Seigneur Comte de Fuensaldaña, comme aussy au Seigneur Marquis de Caracena, pour ce qui le regarde, pour faire le trentiesme jour du present mois de novembre, les restitutions suivantes : A sçavoir, seront ledit jour rendues par le Seigneur Roy Tres-Chrestien à Sa Majesté Catholique, les places de Valence sur le Pô, et de Mortare dans l’Estat de Milan. Comme pareillement le mesme jour trentiesme Novembre, seront rendues par le Seigneur Roy Catholique à M. le Duc de Savoye, la Place et Citadelle de Verceil dans le Piedmont : et du costé des Pays-Bas, la place du Castelet, à Sa Majesté Tres-Chrestienne. Lesdits Seigneurs Plenipotentiaires ayant pris sur soy, en vertu des ordres particuliers qu’ils ont eu de leurs Majestez sur ce sujet, la ponctuelle execution de cet article, avant, comme il est dit, l’eschange des ratifications du present Traité.

ARTICLE 115[modifier]

L’eschange des ratifications ayant esté faite dans le jour qui sera dit cy-aprés, le vingt-septiesme jour de Decembre de la presente année, seront par ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien, rendues à Sa Majesté Catholique les places d’Oudenarde, Marville, Menene et Comines sur la Lis, Dixmude, et Furne, avec les postes de la Fintelle et de la Quenoque : Comme pareillement le mesme jour vingt-septiesme decembre, seront par ledit Roy Catholique, rendues à Sa Majesté Tres-Chrestienne, les places de Rocroy et Linchamp.

ARTICLE 116[modifier]

Huit jours aprés, qui sera le quatriesme janvier de l’année prochaine 1660, seront rendues par le Seigneur Roy Tres-Chrestien à Sa Majesté Catholique, les Places d’Ipres, la Bassée, Bergues-Saint-Vinox, et son fort-Royal, et tous les postes, villes, forts, et chasteaux, que les armes de France ont occupez dans le Principat de Catalogne, à la reserve de Roses, fort de la Trinité, et Capdaguez : Comme pareillement le mesme jour quatriesme Janvier, seront par ledit pouvoir de Sa Majesté Tres-Chrestienne, les places de Hesdin, de Philippeville, et de Marienbourg.

==ARTICLE 117==

Aprés que M. le Prince de Condé aura rendu ses respects au Roy Tres-Chrestien son Souverain Seigneur et esté restabli en l’honneur de ses bonnes grâces ; les places d’Avennes et de Julliers, seront par ledit Seigneur Roy Catholique remises entre les mains et au pouvoir de Sa Majesté Tres-Chrestienne, et de M. le duc de Neubourg. Et le mesme jour ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien restituera à Sa Majesté Catholique, les postes, villes, forts, et châteaux, que la France a occupez en la Comté de Bourgoigne, en la maniere et au temps que leursdites Majestez en ont plus particulierement convenu.

ARTICLE 118[modifier]

Presupposé, et à condition que les Commissaires qui auront esté deputez pour declarer les Lieux qui devront appartenir à chacun des deux Seigneurs Roys, dans les Comtez et Vigueries de Conflans et de Cerdaña, auront auparavant convenu, et fait de commun accord la declaration qui doit regler à l’advenir les limites des deux Royaumes : comme aussy que toutes les restitutions cy-dessus dites, auront esté ponctuellement accomplies, Sa Majesté Tres-Chrestienne, le cinquiesme jour de May de l’année prochaine 1660 restituëra à Sa Majesté Catholique, les places et ports de Roses, fort de la Trinité, et Capdaguez, aux conditions plus particulierement accordées entre leurs Majestez.

ARTICLE 119[modifier]

Il a esté accordé pareillement et convenu, que dans l’eschange cy-dessus dit, qui sera fait de la Bassée et de Saint-Vinox, et son fort Royal, avec Phillipeville et Marienbourg, il sera laissé dans lesdites places, autant d’Artillerie, tant en nombre que de mesme poids et calibre dans les unes que dans les autres : comme aussy autant de munitions de guerre de toutes sortes, et de bouche, dont des Commissaires deputez à cet effet de part et d’autre, conviendront de bonne foy, et le feront executer de maniere que ce qui se trouvera de plus dans les unes que dans les autres, pourra estre tiré desdites places, et transporté ailleurs, où bon semblera aux Commissaires de celuy des deux Seigneurs Roys, à qui cette plus grande quantité de choses susdites se trovera appartenir.

ARTICLE 120[modifier]

Leursdites Majestez ont pareillement convenu, accordé, resolu et promis, sur leur foy et parole Royale, d’envoyer chacune de sa part, leurs ordres aux generaux de leurs armées, ou gouverneurs de leurs armes, Provinces et païs, afin qu’ilz tiennent la main à l’exécution desdites restitutions respectives de places, aux jours certains qui ont esté ci-dessus prefix, concertant ensemble de bonne foy, les moyens, et toutes autres choses qui peuvent regarder la fidelle execution de ce qui a esté promis et arresté entre leursdites Majestez, en la maniere et au temps qui a esté dit.

ARTICLE 121[modifier]

M. le Duc Charles de Lorraine acceptant, pour ce qui le regarde, la presente paix, aux conditions cy-dessus stipulées entre lesdits deux Seigneurs Roys, et non autrement, Sa Majesté Tres-Chrestienne restablira dans quatre mois, à compter du jour de l’eschange des ratifications du present Traité, ledit Seigneur Duc dans les Estats, païs et places qu’il a esté dit ci-dessus : à la reserve de ce qui doit demeurer à Sadite Majesté Tres-Chrestienne en propre et souveraineté, par ledit present Traité : Bien entendu que ledit Seigneur Duc, avant ce restablissement, outre son acceptation des conditions qui le regardent en la presente paix, aura fourni à Sa Majesté Tres-Chrestienne, et à sa satisfaction, tous les divers actes et obligations qu’il doit luy remettre en main, en vertu et en conformité de ce Traité ; en la maniere qu’il a esté stipulé et spécifié cy-dessus.

ARTICLE 122[modifier]

Outre Messieurs le Duc de Savoye, Duc de Modene, et Prince de Monaco, lesquelz comme Alliez de la France, sont principaux Contractans en ce Traité, ainsi qu’il est porté cy-dessus ; en cette paix, alliance, et amitié, de commun accord et consentement desdits Seigneurs Roys Tres-Chrestien, et Catholique, seront compris (si compris y veulent estre) de la part de Sa Majesté Tres-Chrestienne ; premierement, Notre Saint Pere le Pape, le Saint Siege Apostolique, Messieurs les Electeurs, et autres Princes de l’Empire, alliez et confederez avec Sa Majesté, pour la manutention de la Paix de Münster : à sçavoir, Messieurs les trois Electeurs de Mayence, de Cologne, et Comte Palatin du Rhin, le Duc de Neubourg, les Ducs Auguste Christian, Louis et George Guillaume de Brunswic et de Lunebourg, le Lantgrave de Hesse-Cassel, et le Lantgrave de Darmstat ; comme aussy le Roy de Suede, le Duc et Seigneurie de Venise, et les treize Cantons les Ligues de Suisses, et leurs Alliez et Confederez, et tous autres Roys, Potentats, Princes, Estats, Villes et personnes particulieres, à qui Sa Majesté Tres-Chrestienne, sur la decente requisition qu’ilz luy en feront, accordera de sa part d’estre compris en ce Traité, et les nommera dans un an aprés la publication de la Paix, à Sa Majesté Catholique, par declarations particulieres pour jouir du benefice de ladite paix, tant les cy-dessus nommez, que les autres qui seront par Elle nommez dans ledit temps : Leurs Majestez donnans leurs Lettres declaratoires et obligatoires, en tel cas requis, respectivement, le tout avec declaration expresse, que ledit Seigneur Roy Catholique ne pourra directement ny indirectement travailler, par soy ou par autres, aucun de ceux qui de la part dudit Seigneur Roy Tres-Chrestien, ont cy-dessus esté, ou seront cy-aprés compris, par declarations particulieres : et que si ledit Seigneur Roy Catholique pretend aucune chose à l’endroit d’eux, il les pourra seulement poursuivre par droit, devant les Juges competens, et non par la force, en maniere que ce soit.

ARTICLE 123[modifier]

Et de la part dudit Seigneur Roy Catholique seront compris en ce Traité (si compris y veulent estre) Nostre Saint Pere le Pape, le Saint Siege Apostolique, l’Empereur des Romains, tous les Archiducs d’Autriche, et tous les Roys, Princes, Republiques, Estatz, et particulieres personnes, qui comme Alliez de sa Couronne, furent nommez en la Paix faite à Vervins, l’année 1598, et qui se sont conservez et se conservent aujourd’huy en son Alliance : ausquelz s’adjoutent maintenant les Provinces-Unies des Pays-Bas, et le Duc de Guastalle : Comme aussy seront compris tous les autres, que de commun consentement desdits Seigneurs Roys, on voudra nommer dans un an depuis la publication du present Traité : ausquels (comme aussy ceux cy-dessus nommez, s’ils le veulent en particulier) seront données des Lettres de nomination, obligatoires respectivement, pour jouir du benefice de cette Paix, et avec expresse declaration, que ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien ne pourra directement, ny indirectement, par soy ou par autres, travailler aucun d’eux, et que s’il pretend quelque chose contr’eux, Il les pourra seulement poursuivre par droit, devant les Juges competens, et non par la force, en aucune manière que ce soit.

ARTICLE 124[modifier]

Et pour plus grande seureté de ce Traité de paix, et de tous les point et articles y contenus, sera ledit Traité verifié, publié et registré en la Court de Parlement de Paris, et en tous autres Parlemens du Royaume de France, et Chambre des Comptes dudit Paris : Comme semblablement sera ledit Traité vérifié, publié et enregistré, tant au Grand Conseil et autres Conseils, et Chambres des Comptes dudit Seigneur Roy Catholique aux Pays-Bas, qu’aux autres Conseilz des Couronnes de Castille et d’Arragon ; le tout suivant et en la forme contenue au Traité de Vervins, de l’an 1598. dont seront baillées les expeditions de part et d’autre, dans trois mois aprés la publication du present Traité. Lesquel points et articles cy-dessus énoncez, ensemble tout le contenu en chacun d’Iceux, ont esté traitez, accordez, passez et stipulez entre les susdits Plenipotentiaires desdits Seigneurs Roys Tres-Chrestien et Catholique, aux noms de leurs Majestez : Lesquels Plenipotentiaires en vertu de leurs pouvoirs, dont les copies sont inserées au bas du present Traité, ont promis et promettent, soubz l’obligation de tous et chacun les biens et Estats presens et à venir des Roys leurs Maistres, qu’ils seront par leurs Majestez inviolablement observez et accomplis, et de les leur faire ratifier purement et simplement, sans y rien adjouster, diminuer ny retrancher, et d’en bailler et délivrer reciproquement l’un à l’autre, Lettres authentiques et scellées, où tout le premier Traité sera inseré de mot à autre, et ce dans trente jours, du jour et date de ces presentes, et plustost si faire se peut. En outre, ont promis et promettent lesdits Plenipotentiaires, ausdits noms, que lesdites lettres de ratification estant eschangées et fournies, ledit Seigneur Roy Tres-Chrestien, le plustost que faire se pourra, et en presence de telle personne, ou personnes qu’il plaira audit Seigneur Roy Catholique deputer, jurera solemnellement sur la Croix, Saints Evangiles, Canon de la Messe, et sur son honneur, d’observer et accomplir pleinement, réellement et de bonne foy, tout le contenu aux Articles du present Traité : Et le semblable sera fait aussy le plustost qu’il sera possible, par ledit Seigneur Roy Catholique, en presence de telle personne, ou personnes qu’il plaira audit Seigneur Roy Tres-Chrestien deputer. En temoin desquelles choses lesdits Plenipotentiaires ont souscrit le prsent Traité, de leurs noms, et fait apposer le cachet de leursArmes.