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Страница:L. N. Tolstoy. All in 90 volumes. Volume 64.pdf/113

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Ce qu’on appelle dans notre monde les sciences et les arts ne sont qu’un immense «humbug», une grande superstition dans laquelle nous tombons ordinairement dès que nous nous affranchissons de la vieille superstition de l’eglise. Pourvoir clair la route que nous devons suivre, il faut commencer par le commencement, — il faut relever le capuchon qui me tient chaud, mais qui me couvre la vue. La tentation est grande. Nous naissons, — ou bien par le travail, ou plutôt par une certaine adresse intellectuelle, nous nous hissons sur les marches de l’échelle, et nous nous trouvons parmi les privilégiés, les prêtres de la civilisation, de la «Kultur», comme disent les allemands, et il faut comme pour un prêtre brahmane ou catholique, beaucoup de sincérité et un grand amour du vrai et du bien pour mettre en doute les principes qui vous donnent cette position avantageuse. Mais pour un homme sérieux qui, comme vous, se pose la question de la vie, — il n’y a pas de choix. Pour commencer à voir clair, il faut qu’il s’affranchisse de la superstition dans laquelle il se trouve, quoiqu’elle lui soit avantageuse. C’est une condition «sine qua non». Il est inutile de discuter avec un homme qui tient à une certaine croyance, ne fut-ce que sur un seul point.

Si le champ du raisonnement n’est pas complètement libre, il aura beau discuter, il aura beau raisonner, il n’approchera pas d’un pas de la vérité. Son point fixe arrêtera tous les raisonnements et les faussera tous. Il y a la foi religieuse, il y a la foi de notre civilisation. Elles sont tout à fait analogues. Un catholique se dit: «je puis raisonner, mais pas au delà de ce que m’enseigne notre Ecriture et notre tradition, qui possèdent la vérité entière, immuable»; un croyant de la civilisation dit: «mon raisonnement s’arrête devant les données de la civilisation: — la science et l’art. Notre science, c’est la totalité du vrai savoir de l’homme. Si elle ne possède pas encore toute la vérité, elle la possédera. Notre art avec ses traditions classiques est le seul art véritable». Les catholiques disent: «il existe hors de l’homme une chose en soi, comme disent les allemands: c’est l’eglise». Les gens de notre monde disent: «il existe hors de l’homme une chose en soi: la civilisation». Il nous est facile de voir les fautes de raisonnement des superstitions religieuses, parce que nous ne les partageons pas. Mais un croyant religieux, un catholique même, est pleinement convaincu qu’il n’y a qu’une seule vraie religion, la sienne; et il lui paraît même que la vérité de sa religion se prouve par le

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