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Je me suis donc résigné à attendre à Tiffliss l’arrivée de ces papiers; mais comme le terme du congé de Nicolas est expiré il est parti il y a trois jours.3 — Vous vous figurez aisément, chère tante, combien ce contre-tems m’est désagréable — sous plusieurs rapports: 1-mo si mes papiers n’arrivent pas dans un mois, je renonce au service militaire, ne pouvant pas faire cette année l’expédition de l’hiver, ce qui était mon unique désir en prenant du service. 2-o La vie ici étant excessivement chère mon séjour d’un mois (peut-être plus) en ville, et puis le voyage pour retourner me coûteront beaucoup d’argent — et 3-e Je me suis tellement habitué à être toujours avec Nicolas, que cette séparation avec lui, quoique pour très peu de tems m’a été pénible. — Ce n’est qu’à présent, je l’avoue à ma honte, que j’ai su apprécier, respecter et aimer cet excellent frère, autant qu’il le mérite. A tous moments, vos excellents conseils, chère tante, me reviennent à la mémoire. Combien de fois vous m’avez repris, quand je parlais légèrement de Nicolas; et vous avez eu complètement raison, je dis, sans aucune fausse humilité, que sous tous les rapports Nicolas vaut beaucoup mieux, que nous tous. Contre mon attente j’ai trouvé à Tiffliss une bonne connaissance de P-tg — le Prince Bagration,4 qui m’est une grande ressource. C’est un homme d’esprit et d’instruction. Tiffliss est une ville très civilisée, qui singe beaucoup P-tg et réussit presque à l’imi ter, la société y est choisie et assez nombreuse, il y a un théatre Russe et un opéra Italien, dont je profite, autant que me le permettent mes pauvres moyens. — Je loge à la colonie Allemande5— c’est un faubourg: mais qui a pour moi deux grands avantages: celui d’être un fort joli endroit entouré de jardins et de vignes, ce qui fait qu’on s’y croit plutôt à la campagne qu’en ville (il fait encore très chaud et très beau, il n’y a eu ni neige ni gelée, jusqu’à présent), le second avantage est celui que je paye j)our deux chambres, assez propres, ici 5 r. arg. par mois, tandis qu’en ville on ne pour[r]ait avoir un logement pareil à moins de 40 r. arg. par mois. Par-dessus tout j’ai gratis la pratique de la langue Allemande. — J’ai des livres; des occupations, et du loisir, puisque personne ne vient me déranger de sorte qu’en somme je ne m’ennuie pas. — Vous rappelez-vous, bonne tante, d’un — conseil, que vous m’avez donné jadis: celui de faire des romans, eh bien, je suis votre conseil et les occupations dont je vous parle consistent à faire de la littérature. — Je ne sais si ce que j’écris,

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